Précis Domat - Philosophie du droit - 2e - 50

PHILOSOPHIE DU DROIT
remarquer qu'un avis de 1984 du Comité d'éthique retient une formulation en
apparence aristotélicienne lorsqu'il considère que « l'embryon ou le fœtus doit
être reconnu comme une personne humaine potentielle qui est, ou a été vivante et
dont le respect s'impose à tous ». Sans rentrer ici dans des discussions approfondies
sur le bien-fondé d'une telle affirmation, on peut remarquer que si l'on est en présence
d'une personne humaine en puissance, c'est qu'elle n'est justement pas une
personne en acte. Cela signifie plus simplement que, pour le Comité d'éthique, il ne
s'agit pas d'une personne du tout. De la même manière, le bloc de marbre est certes
une statue en puissance, mais pour l'instant il n'est pas une statue du tout (sauf
dans l'imagination du sculpteur). Il était donc inutile d'invoquer cette notion de
personne humaine potentielle.
68 Causes. La théorie des quatre causes résulte d'un approfondissement de l'analyse
du mouvement. En premier lieu, et contrairement à ce qu'avait pu retenir Héraclite,
le changement pur, par lequel l'être changerait sous tous ses aspects et selon
tout son être, est une absurdité pour Aristote. Tout changement réel suppose un
sujet permanent, c'est-à-dire une puissance stable capable de devenir acte. C'est
ce qui est appelé la cause matérielle. En deuxième lieu, et contrairement à ce qu'avait
retenu Parménide, une stabilité pure supprimerait le changement. Il faut donc
un principe selon lequel le mobile va acquérir peu à peu une perfection. C'est ce
qui est appelé la causeformelle. En troisième lieu, pour que le mobile acquière une
perfection, il faut l'influence d'un acte préexistant doté de cette même perfection,
en ce sens qu'il faut un sujet capable de communiquer cette perfection. C'est ce qui
est appelé la cause efficiente. Enfin, pour que ce changement ait lieu, il est nécessaire
qu'il y ait un principe directeur qui soit comme une orientation vers un but
déterminé, c'est-à-dire vers une finalité. C'est pourquoi cette cause est appelée la
cause finale. En effet, pour Aristote, le changement ne se fait pas au hasard, mais
selon un ordre stable, de sorte que les mêmes effets ont habituellement les mêmes
causes. D'un point de vue juridique, même si une réforme récente a supprimé la
cause dans les contrats, elle reste néanmoins une notion sous-jacente essentielle
qui ne peut en aucune manière être rayée d'un trait de plume. D'ailleurs, une notion
comme la raison d'être des entreprises - qui est d'une très grande actualité - est
une autre appellation de la cause.
69 Substance et accidents. - La distinction de la substance et des accidents
découle aussi de l'analyse du mouvement. Selon Aristote, il faut distinguer, dans
tout ce qui change, deux modes d'être fondamentaux. La substance est ce qui existe
par soi, sans avoir besoin d'un autre comme sujet. L'accident n'existe pas par soi ;
il n'existe que dans un autre et sa raison d'être est de modifier la substance. Aristote
part en effet de la constatation que les êtres changeants gardent normalement
leur propre nature comme un fond stable qui peut s'enrichir ou s'appauvrir en raison
de déterminations secondaires, lesquelles sont les accidents. En outre, ce sont
les accidents qui permettent de connaître la substance. Les accidents constituent,
avec la substance, les prédicaments,c'est-à-dire les genres suprêmes auxquels on
peut ramener tous les modes d'être corporels. L'action et la passion manifestent le
mouvement soit comme venant de l'agent, soit comme modifiant le patient. Les
qualités,la quantité et le lieu déterminent les trois espèces possibles de
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