Bibliothèque de droit public - Tome 319 - Le service public de l'éducation nationale sous la troisième République - 106

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LE SERVICE PUBLIC DE L'ÉDUCATION NATIONALE SOUS LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

« services administratifs sont une forme de la police. La police ne s'obtient pas
seulement d'une façon directe par le règlement et par le gendarme, elle s'obtient
d'une façon indirecte en satisfaisant les populations par de bons services bien
organisés, en leur construisant de bonnes routes, qui leur permettent de faire commodément leurs affaires, en les instruisant, etc. »172 Léon Béquet affirmait
d'-ailleurs que « ce n'est pas avec des déclarations générales et théoriques que se
gouvernent les hommes » mais avec des services publics173. De ce point de vue, le
service public est un moyen préventif -  qui plus est, invisible  - d'assurer l'ordre
social. L'appréhender comme moyen permet ainsi de faire ressortir ce qui le rend
nécessaire, et, du même coup, justifie le pouvoir administratif.
182.  On peut ainsi mieux comprendre le concept d'État administratif. Selon
François Burdeau, « [e]n France, l'Administration a constitué l'État. [...] Par sa
médiation, l'État put réaliser son ambition : imposer son ordre à un corps social
qu'il façonne »174. L'État administratif est un État qui gouverne la nation par
l'intermédiaire de son administration175, principalement de façon préventive, afin
d'établir l'ordre social, qui peut être entendu comme un équilibre entre l'autorité
et la liberté176. D'après Lucien Jaume, l'État administratif « préfère les mesures de
prévention », par différence avec « l'État du constitutionnalisme », qui « s'appuie
sur l'initiative individuelle et s'en remet à la répression pour les cas de violation de
la loi »177. L'État administratif indique en effet « à l'avance, aux individus, ce
qu'ils ont à faire »178 et le règle dans les moindres détails, afin de prévenir le
désordre social. Il prend en charge les besoins communs des individus dans un
souci « d'uniformité et d'ordre »179. C'est ainsi que « l'ordre de la vie civile est
confié à la prévoyance de la police de l'administration, « administrer c'est prévoir » et du moment qu'on prend le parti de prévoir et de prendre des précautions,
l'ordre public devient quelque chose de si complexe et de si délicat que la plus
172. HAURIOU (M.), Précis de droit administratif et de droit public, Paris, Recueil Sirey, 1921,
p.  27 ; V.  également la lecture du Professeur Robert Hertzog : « [l]e fond de la pensée du doyen de
Toulouse est celui-ci : « le but des services publics (la police) implique une limite de la fonction
administrative ; ... s'ils sont pour créer de l'ordre public, ils ne sont pas pour créer de la richesse
économique, parce que la richesse n'est pas un besoin public, mais au contraire un besoin privé » ».
HERTZOG  (R.), Recherches sur la gratuité et la non-gratuité des services publics, Thèse droit,
Université de Strasbourg, 1972, p. 48.
173. V. « Administration générale » in BÉQUET (L.) Répertoire du droit administratif, Paris,
Paul Dupont, 1882, t. 1, p. 16. Léon Béquet divise les services publics en sept groupes « qui ont pour
objet d'assurer : le gouvernement de la société, les moyens généraux de l'administrer, la sécurité
extérieure de la nation, la sûreté intérieure, la protection des droits individuels, le développement
moral des individus, le développement des intérêts matériels ».
174. BURDEAU (F.), Histoire de l'administration française du xviiie au xxe  siècle, Paris,
Montchrestien, 2e éd., 1994, p. 19.
175. BIGOT (G.), L'Administration française. Politique, droit et société (1789-1870), Paris,
LexisNexis, 2e  éd., 2014, t.  1 ; BIGOT (G.), LE YONCOURT (T.), L'Administration française.
Politique, droit et société (1870-1944), Paris, LexisNexis, 2014, t. 2.
176. L'ordre social est « une entreprise de stabilisation de l'état social, par une structure
équilibrée ». V. HAURIOU (M.), Aux sources du droit. Le pouvoir, l'ordre et la liberté, Paris, Centre de
philosophie politique et juridique, 1933, p.  50. Hauriou voit dans l'État administratif « un tuteur
bienveillant qui permet de concilier la nécessaire autorité et l'indispensable liberté ». V. sur ce point
BEAUD (O.), « L'État », Traité de droit administratif, Paris, Dalloz, 2011, t. 1, p. 221.
177. JAUME (L.), « Tocqueville dans le débat entre le droit de l'État et le droit de la société »,
La Pensée juridique d'Alexis de Tocqueville, Arras, Artois Presses Université, 2005, p. 29.
178. Loc. cit.
179. HAURIOU (M.), Précis de droit administratif et de droit public, Paris, L. Larose et L. Tenin,
7e éd., 1911, p. 3.

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