Bibliothèque de droit public - Tome 319 - Le service public de l'éducation nationale sous la troisième République - 142

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LE SERVICE PUBLIC DE L'ÉDUCATION NATIONALE SOUS LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

participation soit vertueuse140. La lecture de Georges Burdeau, suivant laquelle il
existe sous la troisième République une « démocratie gouvernée » se confirme à
l'étude du discours de l'éducation nationale141. On peut encore lire chez Ferneuil,
qui explicite le rôle de l'éducation dans ses Principes de 1789, publiés en 1889 :
« l'État démocratique appelle le gouvernement des meilleurs. L'avenir du gouvernement populaire est subordonné à cette condition expresse que les masses démocratiques acquerront, par l'éducation et la pratique des institutions libres, la
-clairvoyance nécessaire pour discerner dans leurs rangs les éléments les plus sains,
les plus vivaces et leur conférer le pouvoir »142.
243. Les républicains font essentiellement reposer le sort de la « fabrication
des lois » sur l'exercice par les citoyens de leurs devoirs143. Choisir ceux qui font de
la politique, c'est choisir ceux qui font le droit. De là, l'importance de bien choisir
ses représentants parce qu'ils détiennent l'instrument par lequel ils peuvent garantir les droits des individus, ou les bafouer ; l'objectif est-il réaliste ?144 Il faut en
raison participer au pouvoir. Mais si l'instruction est supposée faire accéder les
meilleurs au pouvoir, c'est parce que cette élite est réputée l'être. C'est ainsi que le
discours de l'éducation nationale n'a de cesse de légitimer les gouvernants en
place. La souveraineté nationale est garantie au plan symbolique145. Le pouvoir
140. L'observation de Georges Burdeau quant à l'influence de Charles Renouvier sur les
républicains l'illustre. Renouvier aurait défendu un libéralisme dans lequel « [l]e progrès ne peut donc
être le résultat de réussites individuelles ni le couronnement d'une liberté réduite aux facultés de
quelques-uns. Ce sera une œuvre collective. Œuvre collective mais non pas anonyme, car le régime
démocratique ne peut fonctionner sans que l'individu fasse don à la cité de la meilleure part de luimême, celle qui lui vaut son titre de citoyen. Il suit de là que le progrès sera à la mesure de la valeur du
don consenti par les citoyens. C'est dire qu'il sera conditionné par leur valeur morale. [...] Il nous suffit
de constater que ce spiritualisme qui dénonçait aussi bien le sensualisme que le matérialisme a été le
ressort intellectuel de la démocratie politique. [...] On le comprend comme la récompense de
l'abnégation individuelle, comme une conquête que les hommes réaliseront ensemble par un effort qui
les unit plus qu'il ne les oppose, comme une amélioration spirituelle, prélude au relèvement des
conditions matérielles de vie. C'est parce que les hommes seront, par la liberté même, conduits à
professer toujours davantage les vertus du citoyen que le progrès, au lieu de s'accomplir par la réussite
de quelques-uns, deviendra l'avenir indistinctement ouverts à tous ». BURDEAU (G.), Le libéralisme,
Paris, Seuil, 1979, p. 108-109.
141. « Il s'agit bien moins pour les partisans de la démocratie de trouver le moyen de faire
gouverner le peuple, que de faire choisir au peuple les plus capables de gouverner ». Tocqueville est ici
cité par BURDEAU (G.), La démocratie, op. cit., p. 51.
142. Cité in BURDEAU (G.), La démocratie, op. cit., p. 51. Spuller exprime cette nécessité lors
d'une Conférence faite à Grenoble le 27 septembre 1884 : « ne sentez-vous pas que, pour repousser
tant de reproches immérités (à l'encontre de la démocratie) nous devons cherchez à mettre à notre tête
les plus capables et les plus dignes, les plus vertueux et les plus méritants ? » : SPULLER (E.),
Éducation de la démocratie, op. cit., p. 55.
143. V. sur ce point Renouvier : « [l]e devoir de prendre part active à la vie politique s'accomplit
en participant au vote et acceptant d'être élu aux fonctions publiques. [...] Se refuser au vote ou aux
fonctions par paresse, par timidité, par ignorance voulue des questions mises en débat est un aveu de
fâcheuse politique. Voter à la légère est manquer au devoir civique qui implique le souci des
responsabilités ; vendre son vote est une honte » : RENOUVIER (C.), Manuel républicain..., op. cit.,
p. 137-138.
144. « C'est ensuite la difficulté de connaître les hommes qu'il s'agit de choisir. Qui peut donc se
vanter de savoir sonder à fond les esprits et les cœurs ? Les replis d'une âme humaine sont plus
enveloppés d'obscurité que les questions mêmes sur lesquelles ces délégués auront à se prononcer. [...]
Il faut voter de moins en moins sur les individus et de plus en plus sur les choses ». RENARD (G.),
L'organisation politique de la démocratie, Paris, Radot, 1928, p. 20.
145.
«
tout en réaffirmant symboliquement la puissance souveraine de la Nation, la
représentation justifie qu'elle soit expropriée de la réalité du pouvoir au profit des gouvernants.

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