Bibliothèque de droit public - Tome 319 - Le service public de l'éducation nationale sous la troisième République - 208

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LE SERVICE PUBLIC DE L'ÉDUCATION NATIONALE SOUS LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

affecté par les lois qui consacrent l'obligation scolaire188 et la gratuité des écoles
primaires publiques189. Remarquons enfin que la guerre 1914-1918 provoquera un
rapprochement des enseignements féminin et masculin. Le décret du ministre de
l'Instruction publique Bérard, pris le 25 mars 1924, permet aux jeunes filles de
préparer le baccalauréat dans les lycées et collèges publics, et de suivre les programmes de l'enseignement des garçons. Ce changement de perspective ouvre une
brèche dans ce qui a été décrit plus haut comme un régime exceptionnel. Néanmoins, les républicains remettront eux aussi au temps et à l'expérience le projet de
l'école unique. Ainsi, en matière d'éducation des filles, les crises favorisent les
réformes. S'y arrêter permet de mieux saisir les enjeux de l'éducation nationale.
360.  En intégrant la femme dans la communauté politique de citoyens, l'État
éducateur contribue en fin de compte à « désincarner » la sphère privée190. Les
républicains souhaitent réserver le rôle de mère et d'épouse assigné à la femme et
ont en outre besoin d'elle pour asseoir leur régime. Ils sont confrontés à un
dilemme : enraciner la République avec le concours décisif des femmes, et conserver une certaine vision de la famille. La contradiction de ces hommes politiques,
voulant à la fois maintenir la femme dans la domus et la recruter au service de la
cité, ressort dans leur discours permanent contre le suffrage politique des femmes.
Sous la troisième République, le constat de l'influence factuelle des femmes dans
l'établissement de la société politique détermine l'intérêt de les éduquer.

§ 2. LA NÉGATION DES DROITS POLITIQUES DES FEMMES :
LA « DÉMOCRATIE SANS LES FEMMES »191

361.  Si la femme remplit une condition majeure de la citoyenneté, à savoir la
qualité de français, elle n'a pas de droits politiques, c'est-à-dire de droit de vote et
d'éligibilité sous la troisième République192. La justification juridique de cette
exclusion est quasiment introuvable, de même qu'il est malaisé de déceler la règle
de droit qui l'exprime. Néanmoins, juristes, hommes politiques et juges s'accordent
sur la négation des droits politiques des femmes, dont l'affirmation serait contenue
dans l'article  14 de la loi du 5  avril 1884193. Le 5  mars 1848, le gouvernement
188. « L'instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans
révolus à treize ans » : Art. 4 de la loi du 28 mars 1882 qui rend l'enseignement primaire obligatoire,
Bulletin des lois de la République française, XIIe série, t. 24, n° 690, p. 382.
189. « L'article 7 de la loi du 16 juin 1881 est modifié comme il suit : Sont mises au nombre des
écoles primaires publiques, donnant lieu à une dépense obligatoire pour la commune, à la condition
qu'elles soient créées conformément aux prescriptions de l'article 13 de la présente loi : 1° Les écoles
publiques de filles déjà établies dans les communes de plus de 400 âmes », art. 15 de la loi du 30 octobre
1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire, Bulletin des lois de la République française, XIIe
série, t. 33, n° 1046, p. 877.
190. L'étude du recrutement des femmes dans la fonction publique éducative nationale doit
encore étayer ce propos. Cf. infra, n° 522 et s.
191. L'expression est issue de l'ouvrage de PERROT (M.), Les femmes ou les silences de l'histoire,
Paris, Flammarion, 1998, p. 269.
192. DUMONT (G.), La citoyenneté administrative, Thèse droit, Paris II, 2002, p. 37.
193. Concernant la source de cette exclusion, v. BONNARD (R.), Précis de droit public, Paris,
Sirey, 1944, p. 34. Aussi, « [l]es conseillers municipaux sont élus par le suffrage direct universel. Sont
électeurs tous les Français âgés de vingt et un ans accomplis et n'étant dans aucun cas d'incapacité
prévu par la loi » : loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale, Bulletin des lois de la République
française, xxe série, t. 28, n° 835, p. 372.

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