Bibliothèque de droit public - Tome 319 - Le service public de l'éducation nationale sous la troisième République - 22

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LE SERVICE PUBLIC DE L'ÉDUCATION NATIONALE SOUS LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

juridiques en matière d'enseignement49, mais l'énigme du service public de l'éducation nationale se résout dans la lecture des débats parlementaires, lesquels
dépassent ce tournant. Il faut enfin remonter le fil de l'histoire, puisque les républicains tiennent à propos du service public de l'éducation nationale un discours
de rupture et de vérité, ce qui suscite le besoin de vérifier.
18.  Le service public de l'éducation nationale n'est pas l'une des préoccupations principales de la doctrine publiciste sous la troisième République50. À  la
-fortune de l'expression de « service public » en droit public sous la troisième République, fait écho l'indifférence des théoriciens du service public à l'égard de l'éducation nationale. Les efforts de la doctrine universitaire en vue de systématiser le
droit administratif expliquent un certain désintérêt pour l'étude détaillée de l'organisation et du fonctionnement des services publics51. Il est regrettable que les
juristes n'aient pas approfondi l'étude d'un ou de plusieurs services publics en particulier, et qu'aucun service public n'ait été théorisé par la doctrine à cette époque.
Le raisonnement des juristes sur la question du service public de l'éducation nationale est expéditif, et accompagné de nombreux jugements de valeur. On cherche en
vain une définition, bien que la doctrine affirme la création de nouveaux services
publics sous la troisième République, dont celui de « l'enseignement public », également appelé « service public de l'instruction publique »52. Les expressions ne sont
pas utilisées avec rigueur, ce qui caractérise d'ailleurs tous les discours relatifs à
l'éducation nationale. Il est en revanche certain, si l'on croit les juristes de l'époque,
qu'il existe en la matière un service public. L'intérêt de l'étude naît encore d'un
questionnement : à quelle conclusion la doctrine aurait-elle aboutie si elle avait
confronté sa théorie du service public à l'éducation nationale ?
19.  L'attitude des juristes tranche avec celle des hommes politiques à la même
époque. Les républicains invitent à penser que la troisième République est à l'origine de la création du service public de l'éducation nationale. À leurs yeux, il ne
s'agit pas d'un service public ordinaire, mais du premier d'entre eux. Les républicains font davantage que le dire : ils démontrent que l'éducation nationale est réellement un service public, et qu'il revêt une importance primordiale, surtout parce
qu'il est supposé faire advenir la réalité du pouvoir au peuple. Dire qu'il est le
premier semble cependant exprimer la volonté de l'exemplifier. Une telle attitude
laisse penser que l'éducation nationale est le service public des républicains, ce qui
49. On partage à cet égard le point de vue de CHEVALLIER (P.), GROSPERRIN (B.),
L'Enseignement français de la Révolution à nos jours, Paris, Mouton, 1968, vol. 1, p. 109 : « [c]e n'est
donc qu'à partir de 1880 que la notion de laïcité peut comporter des applications pratiques. Le conflit
qui en résulte entre l'Église et l'État aboutit à une séparation en 1905, terme de cette période, la plus
riche et la plus importante de l'histoire de l'enseignement durant la IIIe République. La phase suivante
se contente de développer et de mieux organiser l'enseignement de la France, surtout à la suite de la
guerre de 1914-1918 et ce jusqu'en 1939 ».
50. On précise que l'expression « doctrine publiciste » n'est pas anachronique dans le cadre de
cette étude, puisque le terme « publiciste » désigne sous la troisième République « [c]elui qui écrit sur
le droit public, qui est versé dans cette science », ainsi qu'un « [é]crivain politique ». V. « Publiciste »,
in Dictionnaire Littré, 1874, t. 3, p. 1378.
51. Sur ce point, v. en particulier l'article de LARNAUDE (F.), « Le droit public. Sa conception.
Sa méthode », in Les méthodes juridiques. Leçons faites au Collège libre des Sciences sociales en 1910
par MM. Berthélemy, Garçon, Larnaude, Pillet, Tissier, Thaller, Truchy, professeurs à la Faculté de
Droit de Paris et Gény, professeur à la Faculté de Droit de Nancy, Paris, V. Giard et E. Brière, 1911,
p. 1 et s.
52. La recension critique fait l'objet de développements dans la première partie de ce travail,
infra, n° 62 et s.

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