Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 111

PSYCHE, ANIMAUX, NATURE

les dispositions psycho-physiologiques, voire existentielles, qui exposent les animaux non seulement à la " douleur » et au " dommage durable " , mais encore à la
" souffrance " , à la " détresse " et à l' " angoisse 87 " ».
C'est cette notion de sensibilité que l'on retrouve notamment dans la directive
2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2010, relative
à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques 88, ou l'article 515-14
du Code civil (amendement Glavany) reconnaissant l'animal comme des êtres
vivants doués de sensibilité qui procède certainement à leur extraction de la catégorie des biens tout en restant soumis à son régime 89. Mais la reconnaissance
de droits aux animaux, c'est-à-dire d'une personnalité juridique se retrouve plus
frontalement - de manière symbolique - dans la Déclaration universelle des
droits de l'animal proclamée le 15 octobre 1978 devant l'UNESCO, auquel succède aujourd'hui un projet de déclaration de droits des animaux 90.
Dans la jurisprudence, c'est par exemple, à partir de critères psychiques notamment - sa sensibilité, sa capacité à souffrir - que Cécilia, un chimpanzé détenu
dans un zoo argentin dans des conditions pitoyables, s'est vu dotée de la personnalité juridique par le tribunal argentin de Mendoza le 3 novembre 2016 : le juge
de Mendoza a élevé le grand singe, au rang de personne juridique non-humaine,
ce qui justifie alors l'application des droits inhérents à l'Habeas corpus (réduite
en esclavage et privée de liberté) et par conséquent de rendre sa liberté au chimpanzé 91. D'autres éléments psychiques ont pu être invoqués par les juges dans
d'autres affaires, comme le mode de vie « inadéquat à son épanouissement et
[qui] peut entraîner des troubles du comportement » d'une éléphante 92 ou encore
la prise en compte du besoin de calme des aigles 93.
La question de l'introduction d'un autre concept que celui de la sensibilité,
est toutefois ouverte. Concernant les arbres, ou les animaux, est-ce bien le concept de sensibilité qui est pertinent ? Le concept de sentiens permettrait peut-être,

87. Florence BURGAT, « La cohérence substantielle du droit animalier est-elle en péril ? Piste de
recherche sur l'épistémologie sous-jacente du droit animalier », dans « Le droit et les sciences
de l'esprit », Archives de philosophie du droit, Dalloz, 2012, p. 253. Pour une présentation claire
et exhaustive de cette valorisation en philosophie du critère de la sensibilité, voir Florence
BURGAT « Prendre la sensibilité au sérieux », dans Jean-Pierre MARGUÉNAUD, Florence
BURGAT et Jacques LEROY, Le droit animalier, op. cit., p. 167 et s.
88. « À fait entrer dans son champ d'application les formes foetales des mammifères à partir du
dernier tiers de leur développement normal, parce que de nouvelles découvertes ont établi que
c'est à partir de ce moment-là qu'ils deviennent aptes à éprouver et à exprimer de la douleur, de
la souffrance et de l'angoisse », directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du
27 septembre 2010, relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.
89. Voir Jean-Pierre MARGUÉNAUD, « Le droit animalier, de l'anecdotique au fondamental », op.
cit.
90. Piloté notamment par Jean-Paul COSTA, Voir .
91. Décision d'un tribunal de Mendoza du 3 nov. 2016 , précit.
92. CA Reims, 11 mars 2008, numéro 07/1193.
93. Cour de justice des Communautés européennes, 7 décembre 2000, Commission contre
République française, aff. C-374/98.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020
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