Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 114

HUMAIN NON-HUMAIN

robots dits « intelligents » sont dotés d'une autonomie décisionnelle réelle, permise par l'intelligence artificielle 110 ». Des recherches sont menées toutefois
pour évaluer la capacité des robots à susciter une relation d'affection 111 voire
une forme d'empathie artificielle 112 et certains estiment même que la simulation
d'un comportement, y compris un comportement interne tel que la sensation de
froid ou le sentiment amoureux, équivaut au comportement interne lui-même 113.
Vers un cognitivisme juridique ?

D'autres critères « intérieurs » sont désormais mis en avant aussi pour faire
reconnaître des droits aux entités non-humaines et semblent même particulièrement fédérateurs : le critère de la capacité cognitive permet en effet de relier les
humains, les animaux, les plantes et même le non vivant, les robots. Ainsi, à
l'animisme juridique se substituerait une sorte de cognitivisme juridique. Ce
n'est plus une âme commune que l'on prête aux entités vivantes et non vivantes,
justifiant l'attribution d'une personnalité juridique, mais désormais des capacités
cognitives communes à l'humain et au non-humain, au vivant et au non vivant 114.
Cette approche cognitiviste entraîne alors une uniformisation des capacités
intérieures des entités humaines et non-humaines. Par cognition il faut entendre
« un ensemble de phénomènes qui se rapportent à l'esprit humain et à son fonctionnement. La cognition est souvent déclinée en un ensemble de facultés l'attention, la mémoire, le raisonnement, la prise de décision, la compréhension - bref,
tout ce qui pourrait constituer la pensée (...) on inclut également dans le spectre
de la cognition des facultés mentales qui peuvent sembler de premier abord, plus
automatique, moins réfléchies, telle la perception ou l'émotion. La cognition aujourd'hui est comprise par les chercheurs comme regroupant toutes les facultés
mentales, qui reposent sur le cerveau 115 ». La cognition est étendue aussi au-

110. Alain BENSOUSSAN, « De la reconnaissance des robots en tant que sujet de droit », dans Tendance Droit, 2015, en ligne, ,
consulté le 7 octobre 2019.
111. Rosalind W. PICARD, Affective Computing. Cambridge, MIT Press, MA, 1997 ; Laurence
DEVILLERS, Des robots et des hommes, op. cit. Les robots sociaux et affectifs, capables de
détecter les indices émotionnels, offrent ainsi des formes de communications qui se veulent
centrées sur l'interaction affective et émotionnelle avec les humains, soit elle simulée par le
robot.
112. Voir Serge TISSERON, Le jour où mon robot m'aimera. Essai sur l'empathie artificielle, op.
cit. ; et voir aussi Paul DUMOUCHEL et Luisa DAMANIO, Vivre avec les robots, essai sur
l'empathie artificielle, op. cit.
113. Serge ABITBOUL et Gilles DOWEK, Le temps des algorithmes », op. cit. Voir aussi, Serge
ABITBOUL et Gilles DOWEK, « Vers de Nouvelles humanités », dans Archives de philosophie
du droit, t. 59, 2017.
114. Pour une critique du mouvement contemporain d'indistinction entre vivant et non vivant, voir
Miguel BENASAYAG, La singularité du VIVANT, Éditions le Pommier, Paris, 2017.
115. Thérèse COLLINS, Daniel ANDLER, et Catherine TALLON-BAUDRY (Eds), La cognition. Du
neurone à la société, Gallimard, Folio, Paris, 2018, p. 10.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020

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