Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 134

HUMAIN NON-HUMAIN

tées pour la première fois à ce type d'échantillon. Elles ont été capables de choisir
le stimulus correspondant à l'échantillon présenté à l'entrée du labyrinthe, malgré sa nouveauté (Fig. 5). Elles peuvent donc abstraire un principe d'équivalence
qui va au-delà de stimuli spécifiques.
Depuis, nombreuses expériences ont été réalisées qui montrent que les
abeilles apprennent non seulement divers types de relations conceptuelles, mais
aussi qu'elles peuvent les combiner pour créer des concepts plus complexes afin
de résoudre un problème. Ainsi l'abstraction de concepts est une capacité qui est
loin d'être la prérogative de certains mammifères dont l'homme. Les abeilles
peuvent appréhender ces relations et les utiliser pour faire des choix et naviguer
efficacement 7. Leur cerveau non seulement apprend et mémorise mais est aussi
capable de former des notions plus abstraites.

V. Conscience d'abeille
Les abeilles, capables de telles performances, ont-elles une conscience ? La
réponse à cette question parait impossible au premier abord, aussi parce que la
conscience elle-même peut prendre différentes formes et définitions. La conscience de soi, par exemple, est ce qui nous définit en tant qu'être dans un moment
et un endroit spécifique (moi, ici et maintenant). La conscience introspective à
propos de soi est ce qui définit nos propres croyances sur ce que nous sommes
et/ou savons. Ce dernier niveau de conscience est ce qu'on appelle couramment
la métacognition. Par exemple, quelle est la probabilité que vous rapportiez le
score du match final de la coupe du monde 1978, les pays qui s'affrontaient et
les noms des buteurs ? Votre réponse qui ira de 0 à 100 % va nous informer de
votre niveau de confiance sur vos propres connaissances. Elle nous informera
ainsi sur le fait que vous avez fait un exercice introspectif de vos propres connaissances et que vous avez évalué votre probabilité de réussite en fonction de
ce jugement introspectif.
Afin de savoir si les animaux sont capables de performances métacognitives,
c'est à dire s'ils évaluent de façon introspective leurs connaissances avant de
prendre des décisions, des expériences ont été conçues où on accorde à l'animal
la possibilité de quitter la situation de choix s'il estime qu'elle est trop difficile.
Ainsi, on peut présenter à des animaux des problèmes de complexité variable et
leur laisser la possibilité de quitter le choix (et perdre du temps et des récompenses éventuelles) si celui s'avère trop difficile, de la même façon qu'un étudiant déciderait de ne pas se présenter à un examen s'il se considère insuffisamment préparé pour celui-ci. Pour arriver à ce choix, l'étudiant a fait un jugement
métacognitif de ses connaissances. Les abeilles peuvent-elles procéder de la
même façon et montrer ainsi un certain niveau de conscience ?

Aurore AVARGUÈS-WEBER & Martin GIURFA, " Conceptual learning by miniature brains " , dans
Proc Biol Sci, 280, 2013, 20131907.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020

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