Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 150

HUMAIN NON-HUMAIN

Cette idée n'a commencé à être remise en cause qu'au milieu du XIXe siècle,
par les Darwin (le biologiste Charles, père de la théorie de l'évolution, et son fils
Francis, un botaniste) et par les physiologistes allemands des végétaux, en particulier Wilhem Pfeffer et Julius von Sachs. Ils ont mis en évidence une certaine
réactivité des plantes aux perturbations extérieures. Les recherches ultérieures
ont amplifié leurs découvertes et révélé chez les plantes une sensorimotricité
riche et originale, dont on commence juste à apercevoir l'ampleur. Elles ont permis de dépasser un double obstacle épistémologique, d'origine anthropomorphique. Tout d'abord, croissance et mouvement nous semblent des processus séparés, de vitesses différentes, mais chez les plantes, ils se confondent : la croissance est le moteur de la motricité. En outre, la sensori-motricité animale est
fondée sur des organes dédiés et localisés (les yeux, les mains, les muscles, etc.),
tandis que chez les plantes, elle est plus répartie. C'est pourquoi sa mise en évidence a été moins immédiate.

VII. Qu'allons-nous faire de ce savoir ?
Au moment où les plantes s'animent sous nos yeux, s'anime aussi le débat
autour des relations que nous entretenons avec elles, sur notre vie de relation aux
plantes. L'édition et les media de masse font une place de plus en plus grande à
la vie animée des plantes, rencontrant de grands succès d'audience. La question
de la vie des plantes devient un enjeu entre écoles de pensées philosophiques 43.
Les filières de production agricoles et forestières sont questionnées et s'émeuvent 44. Ce débat se noue en particulier autour des arbres, et de leur appréhension
par le droit. Ainsi, il existe un courant qui vise à faire reconnaître une personnalité juridique aux arbres. Cela a commencé aux États Unis en 1972 avec le travail
du juriste Christopher Stone 45. En France, l'association A.R.B.R.E.S a présenté sa
« Déclaration des droits de l'arbre » en lecture à l'Assemblée nationale le 5 avril
2019. Elle visait à faire reconnaître l'arbre comme un être vivant et sensible,
justifiant sa reconnaissance comme « sujet de droit », à l'instar de la déclaration
des droits des animaux et de l'article 515-4 du Code civil. Cette perception qui
43. Emanuele COCCIA, La vie des plantes : Une métaphysique du mélange, Payot Rivage editeur,
Paris, 2016 ; Michael MARDER, " The Life of Plants and the Limits of Empathy " , dans DialogueCanadian Philosophical Review, 51 (2), 2012, p. 259-273. ; Florence BURGAT, Qu'est-ce
qu'une plante ? Essai sur la vie végétale, Seuil, Paris, 2020, 208 p. ; Quentin HIERNAUX, Du
comportement végétal à l'intelligence des plantes ?, Éditions Quae, coll. « Sciences en
questions », Paris, 2020.
44. Meriem FOURNIER & Bruno MOULIA, « Sensibilité et communication des arbres : entre faits
scientifiques et gentil conte de fée », dans Forêt-entreprise, n° 243, novembre - décembre 2018,
p. 7-15 ; Thibaut SCHEPMAN , « Les plantes bougent, sentent et réagissent mais nous ne sommes
pas capables de le voir », dans Terra eco, 2.12.2013.
.
45. Christopher STONE, « Les arbres ont-ils le pouvoir de plaider ?, 1972, rééd., Le passager
clandestin, 2017.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020

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