Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 168

HUMAIN NON-HUMAIN

conscience de soi. « La conscience n'est que cette forme fondamentale du comportement d'un être vivant se posant soi-même face à l'environnement 68 » - on
retrouve le traitement de la positionnalité close. En tant que « centre spatialisant », l'animal a un soi réfléchi (car vécu), que Plessner nomme (du moins son
traducteur) le « Soi-même ». Ce soi n'est pas localisable mais, « étant spatialisant, il signifie le point au regard duquel se situent tous les autres points 69 ».
« Ainsi la chose vivante dont l'organisation exhibe une forme close n'est pas
seulement un Soi qui " possède " , mais un Soi d'une espèce particulière, un Soi
réfléchi [...] De la chose vivante d'une telle espèce, on peut parler comme d'une
chose présente à elle-même 70 ». À la spatialisation est jointe la temporalisation,
elle aussi propre à l'existence animale, car c'est en anticipant que le sujet « se
tient dans le maintenant 71 ». On peut donc parler d'une « essence spatio-temporalisante de ce noyau distancié de la positionnalité », dont le trait essentiel est
« la subjectivité 72 ». Qu'est-ce que la subjectivité ? C'est « un être-pour-soi qui
sur un mode intériorisant fait face, avec son corps lui-même vécu, à des choses
étrangères 73 ».
9. La souffrance
a). La sensibilité

Nous savons que fouler un tapis d'herbe ne cause pas à l'herbe le même type
de dommages que ceux que subiraient des mulots sur lesquels l'on marcherait.
La question de l'éventualité d'une souffrance végétale a été examinée en 2008
par la Commission fédérale suisse d'éthique pour la biotechnologie dans le domaine non-humain (CENH), qui a produit un document d'une vingtaine de pages,
La dignité de la créature dans le règne végétal. La question du respect des
plantes au nom de leur valeur morale. Ce travail a été motivé par l'introduction
dans la constitution fédérale en 1992 de la notion de « dignité de la créature »
qui, sur le plan du droit constitutionnel, « se rapporte à la valeur d'un être vivant
pour lui-même 74 ». « Les plantes doivent-t-elles être protégées et, si oui, quelles
raisons sous-tendent cette protection 75 » ?
Partant du constat que nous n'avons pas ou peu d'intuitions morales concernant leur utilisation et qu'il existe donc un large consensus sur le fait que les
plantes sont dépourvues des critères nécessaires à l'appartenance de la commu-

68. Helmuth PLESSNER, Les degrés de l'organique et l'Homme. Introduction à l'anthropologie
philosophique, op. cit., p. 154.
69. Ibid., p. 376.
70. Ibid., p. 377.
71. Ibid., p. 378.
72. Ibid., p. 385.
73. Ibid., p. 385-386.
74. La dignité de la créature dans le règne végétal. La question du respect des plantes au nom de
leur valeur morale (Berne, 2008), librement accessible en ligne, p. 3.
75. Ibid., p. 4.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020

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