Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 175

PSYCHE, ANIMAUX, NATURE

partisans d'une « personne virtuelle 20 » ou d'une « personne robot 21 » s'attachent à souligner les capacités de traitement d'information et d'autonomie des
IA, alors que les défenseurs de la « personne animale » valorisent la sensibilité et
la complexité émotionnelle des animaux. Ainsi, l'apparente communauté d'intérêt pour l'intériorité d'entités non-humaines et la technique juridique de la personnalité cache, en réalité, une attention portée à des éléments différents.
Un obstacle supplémentaire se dresse sur le chemin de la découverte de logiques communes et cohérentes. Le triptyque personne juridique/sujet de
droits/titulaire de droits subjectifs est, en effet, mis à mal par les thèses favorables
à l'évolution des qualifications pour les animaux et les IA. Ainsi, si certains juristes font valoir que la personnalité juridique permettrait de reconnaître aux robots leur « ipséité » (capacité à se distinguer par un apprentissage autonome et
des interactions rendant chaque programme unique) 22, une parlementaire européenne favorable à ce que la personnalisation soit envisagée se déclare fermement opposée à ce que les robots se voient attribuer des droits 23. Dans un jugement du Tribunal de Mendoza relatif à la protection par application de l'habeas
corpus à un chimpanzé, l'animal est d'abord qualifié d'« élément du patrimoine
naturel argentin » (et ses relations avec la communauté humaine d'« élément du
patrimoine culturel »), avant d'être qualifié de « personne non-humaine 24 ». Selon la motivation du tribunal de Mendoza, « il ne s'agit pas ici de doter les grands
singes des droits reconnus dans le droit civil ou dans le droit commercial », mais
de droits exclusivement destinés à protéger la vie et la sensibilité. Explicitant sa
décision dans un journal argentin, la juge signataire a confirmé ce point : « nous
reconnaissons des droits aux animaux au regard de leur essence animale. Il n'est
pas question de droit civils reconnus dans le Code civil, mais de droits propres
à chaque espèce : droit au développement, droit à la vie dans leur habitat naturel 25 ».

20. Marshall S. WILLICK, « L'intelligence artificielle : les approches juridiques et leurs
implications », op. cit., p. 54. Le terme de « personne virtuelle » peut renvoyer à deux types de
propositions assez différentes : voir Danièle BOURCIER, « De l'intelligence artificielle à la
personne virtuelle : émergence d'une entité juridique ? », op. cit., p. 848.
21. Alain BENSOUSSAN, « Droit des robots : science-fiction ou anticipation ? », dans Recueil Dalloz, 30 juillet 2015, p. 1640.
22. Alain BENSOUSSAN, « Droit des robots : science-fiction ou anticipation ? », op. cit. ; Alain
BENSOUSSAN, « Le droit naturel, base de la personne robot ? », dans Planète robots n° 53,
septembre-octobre 2018, p. 14.
23. Mady DELVAUX : « Le but n'est pas de donner [...] des droits aux robots », citée dans
Alexandra SAVIANA, « Statut juridique des robots en Europe : jusqu'où peuvent aller les droits
des machines ? », dans Marianne 1er mai 2018 : .
(dernière consultation le 20/09/2018).
24. Mendoza, 3 novembre 2016 : Tercer Juzgado de Garantías, EXPTE.NRO.P-72.254/15 A.F.A.D.A.
respecto del chimpancé Cécilia-sujeto no humano, précité.
25. http://www.losandes.com.ar/article/tras-una-decision-judicial-inedita-la-mona-cecilia-seratrasladada-a-brasil> dernière consultation le 20/09/2018). Les citations sont traduites par nos
soins.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020
https://www.marianne.net/societe/statut-juri http://www.losandes.com.ar/article/tras-una-decision-judicial-inedita-la-mona-cecilia-sera
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