Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 191

CONCLUSION

l'instant, vers une intégration de ces entités au sein des sujets de droit, les avancées en neurosciences et en IA, ne semblent pas non plus suffire pour les doter de
capacités cognitives indispensables au statut de destinataires de normes juridiques. Ces questions restent toutefois ouvertes, pour la théorie du droit mais
aussi pour le droit et les sciences de l'IA. La seconde partie de cet ouvrage, concernant les animaux, les arbres et certains éléments de la nature, pointe l'enjeu
politique et juridique contemporain de ne pas réduire ces entités justement à la
condition d'une machine ou d'une ressource quelconque mais de leur conférer
une pleine reconnaissance de leur besoins spécifiques ou des conditions nécessaires à leur existence. Et l'on assiste à leur reconnaissance progressive dans certains ordres juridiques comme sujet de droit afin d'assurer cette protection nouvelle.
La pensée de l'humain et du non-humain appréhendé globalement dans cet
ouvrage, c'est-à-dire au-delà de la spécificité du vivant et de la diversité des
formes d'existence du non-humain, permet ainsi de dresser un tableau contemporain de la manière dont l'humain interagit désormais, sur la scène du droit,
avec son environnement.
Le non-humain est alors extérieur à nous mais aussi intérieur : à la fois machinique ou animal, que l'on se situe sur le plan psychique ou physique. La pandémie de la Covid 19 nous le rappelle autrement de par l'origine probablement
animale du virus mais aussi de par la spécificité et la complexité de notre système
microbiotique 4.
D'un point de vue politique, l'ouvrage ouvre aussi de nombreuses perspectives de réflexion.
Les questionnements juridiques posés par l'introduction de ces entités nonhumaines dans la sphère du droit illustrent un questionnement social et politique
plus vaste posé par l'émergence d'un monde nouveau. Il propose une interprétation des métamorphoses de la démocratie, rend compte d'un certain nombre d'expérimentations sociales, et ébauche les contours d'une alternative politique qui
se limite ici à l'esquisse d'une méthode.
C'est alors à une nouvelle manière de penser la théorie politique du sujet de
droit que nous invitent en effet les réflexions menées.
Dans quelle mesure la conscience de partager la terre avec les autres vivants
et de former une communauté de destin mixte « humain-non-humain » deviendrait-elle un autre point de départ d'une association politique au sens large ?
Politiser le non-humain aujourd'hui, afin de le protéger et de penser autrement un avenir commun à l'humain et au non-humain, passe alors par sa juridisation et le recours désormais à la technique juridique d'attribution de la qualité
4.

Voir les travaux d'Eric BAPTESTE, notamment Andrew K. WATSON, Romain LANNES, Jananan
S. PATHMANATHAN, Raphaël MÉHEUST, Slim KARKAR, Philippe COLSON, Eduardo COREL,
Philippe LOPEZ & Eric BAPTESTE, " The Methodology Behind Network Thinking: Graphs to
Analyze Microbial Complexity and Evolution " dans Evolutionary Genomics. vol. 1910, dir.
Springer, New York, 2019, p. 271-308 ; voir aussi Philippe DESCOLA, , 3 juin 2020.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020

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https://lejour http://nal.cnrs.fr/articles/philippe-descola-il-faut-repenser-les-rapports-entre-humains-et-non-hu

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