Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 50

HUMAIN NON-HUMAIN

sur la route ou de la présence d'un croisement 300 m plus loin ?) Enfin, le calcul
de probabilité repose sur le cardinal d'ensembles bien définis, comme la taille de
l'ensemble des motos. Or ces ensembles sont non calculables (il n'y a pas de
fonction calculable permettant de décider de manière binaire si tel véhicule est
une moto fonctionnelle ou quelque chose d'autre), et ils sont de toute façon inaccessibles aux humains et aux machines. Nous devons donc concevoir un calcul
du risque qui repose sur d'autres bases que la probabilité.
En 1964, Ray Solomonoff a proposé un type de calcul qui offre une autre
mesure de la plausibilité des situations 9. Si l'on compare le monde, ou plutôt
l'idée qu'un observateur se fait du monde, à un ordinateur, alors un enchaînement
de causes ressemble à un programme. Un tel programme comporte des instructions qui dictent à un conducteur de moto de tourner à droite à tel carrefour ou
de rouler à 120 km/h sur tel tronçon de route. Si l'on suit de principe de Solomonoff, la plausibilité d'une situation se mesure à la longueur du plus petit programme capable de la produire. Autrement dit, une situation est plausible si l'on
peut décrire de manière concise les instructions qu'il faut fournir au monde (du
point de vue de l'observateur) pour passer de l'état connu à l'état où la situation
s'est produite. Notons Cw(s) la complexité causale, c'est-à-dire la quantité d'information minimale à fournir au monde pour produire la situation s. Même si
Cw(s) est inconnaissable de manière objective, un observateur n'ayant qu'une
connaissance limitée du monde peut en réaliser des estimations. C'est ce que
nous faisons spontanément lorsque quelqu'un est en retard. Nous passons en revue quelques scénarios expliquant le retard en essayant de comparer le nombre
d'hypothèses chaque fois mises en jeu, pour ne retenir que le scénario le plus
économe en hypothèses (ce faisant, nous appliquons un principe appelé rasoir
d'Occam, qui est un cas particulier du principe de Solomonoff).
La définition de base de la complexité causale est porteuse de nombreuses
autres définitions. Par exemple, pour toutes situation connue s de l'état du monde
courant, Cw(s) = 0. Deux situations s1 et s2 sont indépendantes s'il faut autant de
circonstances pour produire leur conjonction (s1 & s2) que pour produire l'une et
produire l'autre : Cw(s1 & s2) = Cw(s1) + Cw(s2). Un moyen, certes parfois sousoptimal, de produire la conjonction de deux situations, consiste à produire l'une
puis à produire l'autre : Cw(s1 & s2) < Cw(s1) + Cw(s2 | s1). La barre verticale indique que l'on se place dans un état du monde où s1 s'est produite. On vérifie
facilement que si s1 et s2 sont indépendantes, alors Cw(s2|s1) = Cw(s2). Nous disposons déjà des moyens de définir la responsabilité causale (actus reus) 10, 11, 12 :
9.

Ray J. SOLOMONOFF, " A Formal Theory of Inductive Inference " , dans Information and Control,
7 (1), 1964, p. 1-22.
10. Antoine SAILLENFEST, Modélisation Cognitive de la Pertinence Narrative en vue de
l'Évaluation et de la Génération de Récits, Thèse de doctorat, Paris, 2015-ENST-0073.
11. Giovanni SILENO, Antoine SAILLENFEST et Jean-Louis & DESSALLES, " A computational model
of moral and legal responsibility via simplicity theory " , dans Adam WYNER & Giovanni CASINI
(Eds), JURIX 2017, Frontiers in Artificial Intelligence and Applications, 2017, 302, p. 171-176.
.
12. Voir aussi .

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020

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http://ebooks.iospress.nl/volumearticle/48059 http://www.simplicitytheory.science
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