Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 66

HUMAIN NON-HUMAIN

été il y a quelques décennies, celle du comportement des animaux, l'éthologie.
Mais ce sont surtout nos expériences en neuro-droit c'est-à-dire avec les modèles
de l'IA appliqués au droit qui seront analysées pour aborder l'irreprésentable en
droit depuis les débuts de l'IA, et les moyens de le prendre en compte. Et de le
protéger.
Ce sujet est évidemment sensible à l'heure où la dimension psychique de
l'être humain fait l'objet de captations massives par les données personnelles
qu'il laisse sur Internet et où les neurosciences s'intéressent aux états mentaux
d'un sujet en lisant l'activité physique de son cerveau. De toute part, l'intériorité
est traquée comme si elle devait recéler de nouvelles explications sur le comportement ou la pensée, là où cette prérogative était l'apanage de la philosophie, de
l'introspection ou plus généralement de l'exercice spirituel (méditation, examen
de conscience, ...). D'autant plus sensible apparaît actuellement ce thème qu'une
autre discipline à portée de plus en plus applicative, l'intelligence artificielle, vise
à recréer cet espace unique considéré comme le siège et la marque de la personnalité humaine.
Je verrai donc d'abord comment cette intériorité a été institutionnalisée dans
le droit puis comment cette caractéristique peut éventuellement être simulée ou
recréée par une entité artificielle imitant un comportement humain. L'enjeu est
de taille et nécessite une expérience de pensée que je propose comme telle ici.
Plutôt que d'attribuer une personnalité au robot, projection humaine de son créateur, un organisme complexe pourrait secréter cet espace par son propre fonctionnement interne.

I. Une intériorité proprement humaine
Certaines activités humaines demandent la connaissance d'un état interne :
ainsi l'intime conviction, l'appréciation souveraine, la délibération en son âme
et conscience. Ces activités mentales ne sont-elles pas le propre de l'humain ?
Dans ce cas, l'attribution d'une personnalité à des entités non-humaines a-t-elle
lieu d'être ? Pourtant un être en état de coma dépassé, donc non conscient, garde
la personnalité humaine et tous ses droits ? La conscience est-elle le propre d'un
sujet de droit ?
1. Attribuer une personnalité juridique à une catégorie d'entités
Faut-il conférer la personnalité juridique et des droits à des entités « non-humaines », comme les fleuves ainsi que les juges l'ont décidé pour le Wanganui
des Maoris ou comme en Inde pour le Gange et son affluent Yamuna ? Faudrat-il pour attribuer une responsabilité aux robots ou aux voitures autonomes leur
reconnaître une personnalité juridique ? Plusieurs questions se posent d'emblée.
1. L'attribution de la qualité de sujet de droit à une nouvelle entité.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020

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