Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 99

PSYCHE, ANIMAUX, NATURE

un ordre de la conduite humaine 31 ». Mais la promotion dans le droit positif contemporain de cet « animisme restauré 32 », de cet « animisme juridique à consonance indigéniste », « religieuse ou mystique » ou encore « à base scientifique 33 » nous semble révéler une nouvelle conception juridique de l'intériorité
centrée non plus sur l'âme mais sur la psyché et la cognition et l'émergence alors
de ce que nous appelons un psychéisme juridique et un cognitivisme juridique 34.
Il s'agit, de plus, de montrer dans ce contexte social et anthropologique
« d'une culture de l'intériorité » en transformation 35, dans quelle mesure le droit
contemporain offre certaines conditions d'émergence à ce sujet non-humain. La
considération juridique pour l'esprit humain - faisant émerger en droit un sujet
psychique 36, semble s'étendre désormais au non-humain.
Dans une perspective normativiste 37, il s'agit ensuite de mieux y voir dans
cette cacophonie conceptuelle qui entoure l'analyse du non-humain comme sujet
de droit, en distinguant clairement le plan du droit et le plan de la réalité naturelle.
La distinction entre sujet de droit, destinataire de normes juridiques et sujet de
l'imputation 38 offre la possibilité de mettre en lumière certains mécanismes de
la construction que forme le concept traditionnel de sujet de droit et de se demander qui se cache réellement derrière cette construction 39 en repérant les différents

31. Hans KELSEN, Théorie générale du droit et de l'État, op. cit, p. 55, 56.
32. Philippe DESCOLA, Par delà nature et culture, op. cit. p. 229.
33. Marie-ANGELE HERMITTE, « Artificialisation de la nature et droit du vivant » dans Philippe
DESCOLA, Les natures en question, Odile Jacob, Paris, 2018, p. 259 et s.
34. Voir Partie 1, B) 2) de ce chapitre, pour le développement de ces concepts.
35. Pierre-Henri CASTEL, La fin des coupables, suivi du cas Paramord, Éditions d'Ithaque, Paris,
2012.
36. Voir Géraldine AÏDAN, L'invention du sujet psychique en droit, op. cit.
37. Le normativisme juridique est une théorie du droit qui a pour ambition de décrire le droit sans
considérations morales ni politiques. Il trouve à s'appliquer au droit en général et non seulement
à un droit positif en particulier, et son objet se compose uniquement de normes juridiques étant
entendu que la norme est la « signification d'un acte » (Hans KELSEN , Théorie pure du droit,
op. cit., p. 13) par lequel un comportement humain est obligatoire, permis ou interdit et qu'une
norme est juridique lorsqu'une autre norme juridique lui attribue cette qualité (Voir Hans
KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit., p. 16 ; Otto PFERSMANN, « La constitution comme
norme », dans Louis FAVOREU (et alii), Droit constitutionnel, Dalloz, 12e éd., 2009, § 81). Audelà des différentes conceptions assignées au droit, nous entendrons celui-ci comme l'ensemble
des normes juridiques. Voir Michel TROPER, « Normativisme », dans Denis ALLAND et Stéphane RIALS (dir), Dictionnaire de culture juridique, Quadrige Lamy-PUF, Paris, 2003, p. 1074.
38. Je remercie vivement Otto PFERSMANN pour nos nombreux échanges autour de la conception
du sujet de droit chez Hans KELSEN, et en particulier la notion de sujet d'imputation. L'on voit
ainsi apparaître que deux conceptions différentes du sujet de droit prévalent dans la première et
la deuxième édition de la Théorie pure du droit. Dans la première, l'importance accordée à la
notion d'imputation dans la compréhension du système juridique met en avant le concept de
sujet d'imputation alors que la seconde édition abandonne en partie cette perspective.
39. Ce que ne permet peut-être pas la définition de la doctrine traditionnelle, voir par exemple
Florence BELLIVIER, Droit des personnes, LGDJ, Paris, 2015, p. 15. Voir par ailleurs les
confusions dans la doctrine classique entre le plan du droit et celui de la réalité naturelle Stanley
L. PAULSON, « Introduction », dans Hans KELSEN, Théorie Générale du droit et de l'État, op.
cit.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020
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