Hors collection - La confiscation des avoirs criminels - 111

Les droits des tiers 103

B. De l'incomplétude des recours ouverts aux tiers
18. Les lacunes des actions en restitution. Les actions en restitution
font place à des hésitations qu'une intervention législative pourrait aisément faire cesser. Si la situation des tiers lors de la phase de jugement ne
suscite guère de difficulté73, il en va autrement au stade de l'enquête et de
l'instruction.
Ainsi, durant l'enquête de police : il apparaît raisonnable de considérer
que les tiers puissent emprunter la procédure offerte par l'article 41-4 du
CPP et formuler une requête en restitution auprès du procureur de la
République dès lors que la propriété n'est pas sérieusement contestée, en
notant que l'article 41-4 du CPP a pour regrettable particularité d'omettre
de définir les possibles requérants, de sorte qu'il peut faire douter que les
tiers puissent revêtir une telle qualité. Malgré tout, la doctrine propose de
considérer que « toute personne prétendant avoir un droit sur un objet
préalablement saisi, que cette personne ait eu ou non la qualité de partie
au procès »74, peut user de l'action offerte par l'article 41-4, opinion qui
peut prendre appui sur un raisonnement par analogie au regard du droit
applicable pendant l'information judiciaire ou devant la juridiction de
jugement75. Cette opinion peut être confortée par la décision du 9 juillet
2014 par laquelle le Conseil constitutionnel a précisé, même si l'on peut
n'y voir qu'une incise à sa décision, que la requête en restitution pouvait
émaner « de toute personne intéressée »76... sans négliger qu'il y aurait un
véritable paradoxe à refuser aux tiers l'exercice d'un tel recours alors que
l'article 41-4 al. 3 réserve les « droits de tiers » à propos des objets non
restitués devenus propriété de l'État.

73. Devant la cour d'assises, les tiers présenteront leur demande en restitution sur le
fondement de l'article 373 CPP : leur qualité pour agir est certaine depuis la loi du 3 juin
2016 puisque la restitution peut être ordonnée par la cour seule et à la demande « d'une des
parties ou de toute personne intéressée », étant précisé qu'« en cas de demande de restitution
émanant d'une personne autre que les parties, seul les procès--verbaux relatifs à la saisie des
biens peuvent lui être communiqués ». Devant le tribunal correctionnel, peuvent « réclamer »
la restitution aussi bien la partie civile, en vertu de l'article 420-1 du CPP, que toute personne
« qui prétend avoir droit sur des objets placés sous la main de la justice », selon l'article 479
du CPP, étant encore précisé qu'en ce cas, « seuls les procès--verbaux relatifs à la saisie des
objets peuvent lui être communiqués ». Rien ne s'oppose à ce que, à l'instar de l'article 481
du CPP, ces dispositions soient interprétées à la lumière de la directive 2014/42/UE (V°
supra §11). Les mêmes règles sont applicables devant le tribunal de police (CPP, art. 543)
et devant la cour d'appel (CPP, art. 484).
74. Cf. E. Joly--Sibuet, Rép. Dalloz, v° Restitution, n° 62.
75. Cf. L. Ascensi, op. cit., p. 374, n° 245.22.
76. Cf. Cons. const., 9 juill. 2014, n° 2014-406 QPC ; Procédures 2014, comm. 278, note
J. Buisson.

Hors collection - La confiscation des avoirs criminels

Table des matières de la publication Hors collection - La confiscation des avoirs criminels