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La confiscation des avoirs criminels

son acquisition sa résidence principale, sans payer aucun loyer, alors que
l'intéressé gérait seul ladite société constituée pour les besoins de la cause
entre ses deux filles et dont il faisait fonctionner les comptes bancaires17.
Ces différents éléments ont été pris en considération par les hauts magistrats, qui, après avoir affirmé que les intérêts de la société se confondaient
avec ceux du mis en examen, ont considéré que ce dernier avait la libre
disposition de l'immeuble litigieux.
On voit donc que la chambre criminelle adopte une conception économique18 de la notion de « libre disposition », qui s'éloigne bien de la
définition juridique de l'acte de disposition, à savoir une opération qui
entame ou engage un patrimoine ou qui comporte transmission de droits
pouvant avoir pour effet de diminuer la valeur dudit patrimoine.
Aussi bien, cette appréhension extensive de la notion de « libre disposition » autorise--t‑elle la confiscation des biens, sur lesquels le condamné ne
dispose d'aucune des prérogatives précitées, dès lors que ces biens, considérés comme les instruments d'une infraction, lui permettent de tirer un
profit économique. A donc fait l'objet d'une saisie un ensemble immobilier,
comprenant une boucherie et le domicile d'une personne, propriétaire des
lieux, qui avaient servi à commettre les infractions relatives au trafic de
stupéfiants pour lesquelles le fis de la propriétaire avait été mis en examen.
Dès lors que la mère avait laissé « libre disposition et accès à son fils de cet
ensemble où elle--même demeur[ait] », la saisie réalisée avait été considérée
comme valable19.
Cette conception large de la notion de « libre disposition », qui tient
compte du critère du bénéfice économique conformément aux vœux
des rédacteurs de la loi du 27 mars 2012, doit être approuvée. Elle pourrait permettre de surmonter les difficultés pratiques liées au fait que les
délinquants les plus organisés « utilisent tous les moyens que leur offrent
les placements et montages financiers pour dissimuler leurs avoirs »20, tels
quel le recours à la fiducie. Lors des travaux préparatoires de la loi du
9 juillet 2010, il a été clairement indiqué que cette dernière peut « constituer
un formidable moyen pour faire évader de l'argent vers des pays étrangers, en toute légalité », faisant ainsi obstacle aux saisies et confiscations21.
En particulier, le rapporteur de la loi précitée avait fait observer que les
mécanismes de l'encadrement de la fiducie ne suffisaient pas toujours à
17. Cass. crim., 19 nov. 2014, n° 13-88331.
18. L. Ascensi, Droit et Pratique des saisies et confiscations pénales, Dalloz, 2019/2020,
p. 108, n° 125.24.
19. Cass. crim., 3 févr. 2016, n° 14-87754.
20. Rapp. Ass. nat., n° 1689, fait par M. G. Geoffroy, 20 mai 2009, p. 23.
21. V. sur ce point, H. Robert, « Une importante réforme de procédure pénale inachevée.
À propos de la loi du 9 juillet 2010 », JCP G 2010, n° 1067.

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