Hors collection - La confiscation des avoirs criminels - 129

	

La saisie et la confiscation des biens des tiers	121

dans la mesure où elle « partageait le quotidien de son compagnon depuis
1997 et connaissait ses antécédents judiciaires », si bien qu'elle ne pouvait
« sérieusement prétendre avoir ignoré l'origine frauduleuse des fonds ayant
permis au couple d'honorer le remboursement des prêts accordés pour
l'acquisition de ces biens, au regard de la situation financière de son compagnon »34. Sans aucun doute, on retrouve ici un raisonnement analogue
à celui suivi en matière de recel où les juridictions pénales présument,
en raison de la communauté de vie, la connaissance par le conjoint ou le
concubin de l'origine frauduleuse des biens litigieux35.
S'agissant des personnes morales, la qualité de propriétaire de bonne foi
peut leur être refusée, compte tenu des liens existant entre elles et l'auteur
de l'infraction. À cet égard, on pourra citer l'exemple d'une société propriétaire d'un véhicule, qui avait été confisqué après avoir servi à commettre
des infractions au Code de la route, à savoir les délits de conduite d'un
véhicule malgré l'injonction de restituer le permis de conduire et d'excès de
vitesse, pour lesquelles avait été condamné son gérant unique. En l'espèce,
la juridiction du second degré, approuvée par la chambre criminelle, avait
relevé qu'il était douteux que la société en cause soit de bonne foi, puisque
le prévenu était son « gérant unique »36.
En revanche, pourrait être considérée comme de bonne foi la personne
qui prête son véhicule à un tiers, qui s'en sert pour commettre une infraction, « en ignorant l'usage qui en serait fait ». Aussi bien, appartient--il aux
juges répressifs d'apprécier le bien--fondé de l'argument relatif à l'ignorance
de l'utilisation du bien litigieux, invoqué par l'intéressé dont le titre de
propriété ou de détention doit être régulier37.
À vrai dire, la situation du tiers, qui savait que la finalité d'un transfert ou
d'une acquisition était de faire échapper un bien, appartenant au condamné,
à une éventuelle confiscation, appelle certaines réflexions. En principe, ce
tiers ne commet pas un fait pénalement répréhensible. Il ne pourrait pas,
par exemple, se voir reprocher les délits de recel ou de blanchiment, car
il n'a pas à être établi que les biens litigieux sont d'origine délictueuse.
Par ailleurs, d'autres incriminations, tel le délit de non--justification de
34. Cass. crim., 9 déc. 2014, n° 13-85150.
35. V. par ex., Cass. crim., 23 nov. 2010, n° 10-82323, Dr. pénal 2011, comm. 30, note
M. Véron ; Cass. crim., 30 janv. 2019, n° 17-85304, publié au bulletin, Dr. pénal 2019,
comm. 52, note J.-H. Robert, Rev. sc. crim. 2019, p. 355, obs. H. Matsopoulou.
36. Cass. crim., 15 janv. 2014, n° 13-81874, Bull. crim., n° 12.
37. Cass. crim., 13 avr. 1999, n° 97-85443, Bull. crim., n° 74, Rev. sc. crim. 1999, p. 811,
obs. B. Bouloc (cet arrêt concernait des biens susceptibles de restitution qui, conformément aux dispositions de l'article 131-21, al. 2, du Code pénal, dans sa rédaction antérieure
à l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, ne pouvaient faire l'objet d'une
confiscation).
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