Hors collection - La confiscation des avoirs criminels - 141

Propriétés collectives 133

en difficulté d'exécution émanant de l'épouse coïndivisaire d'un condamné
a conduit à plusieurs arrêts de cours d'appel et de la Cour de cassation,
le tout retardant l'exécution de la confiscation de plus de cinq ans29. Par
où l'on voit que le caractère malléable de l'assiette des confiscations en
présence d'une indivision - confiscation des biens indivis en entier ou de
la seule quote--part indivise du condamné - porte un risque d'imprécision
préjudiciable aux intérêts généraux qui s'attachent à ces peines patrimoniales tout autant qu'aux intérêts particuliers des tiers indivisaires.
Ces copropriétaires subissent d'autres atteintes, quelle que soit l'assiette
de la confiscation, car celle--ci a pour effet de modifier substantiellement
leurs droits.

2. Modification des droits des coïndivisaires
18. Le tiers copropriétaire ne supporte pas la même peine que le
condamné : ce dernier est exproprié en suite de la dévolution de la chose
confisquée à l'État ; ses coïndivisaires ne le sont pas s'ils ont légitimement ignoré l'origine et l'utilisation frauduleuse de leur bien. En effet,
l'article 131-21 du Code pénal réserve les droits des propriétaires de bonne
foi30 et précise que la chose confisquée est dévolue à l'État en demeurant
grevée des « droits réels licitement constitués au profit de tiers ». Ces différentes sauvegardes ont conduit le Conseil constitutionnel à considérer, le
26 novembre 2010, que l'ensemble de l'article 131-21 « n'est contraire à
aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ».
19. Pourtant, même en présence de tiers indivisaires de bonne foi, la
propriété collective représente un vecteur de propagation des atteintes
patrimoniales liées à la confiscation, car la réserve de leurs droits ne suffit
pas à les faire sortir indemnes de la procédure pénale. La raison en est que
l'État, auquel la chose confisquée est dévolue, devient coïndivisaire et que
l'exécution de la peine de confiscation occasionne une transformation de
l'assiette et/ou de la nature du droit de propriété des autres indivisaires.
20. Si l'exécution prend la forme d'une vente aux enchères publiques de
la quote--part indivise du condamné, les règles protectrices des coïndivisaires prévues par l'article 815-15 du Code civil jouent, c'est--à‑dire que le
projet d'adjudication doit leur être notifié et que chacun jouit d'un droit de
29. AGRASC, Rapport annuel 2017, p. 23-24.
30. V. supra n° 16. Pour un exemple de mauvaise foi d'une concubine indivisaire qui partageait le quotidien du condamné depuis de nombreuses années et connaissait ses antécédents
judiciaires, cf. Cass. crim., 9 déc. 2014, n° 13-85150, qui a approuvé les juges du fond d'en
avoir déduit qu'elle « ne peut sérieusement prétendre avoir ignoré l'origine frauduleuse
des fonds ayant permis au couple d'honorer le remboursement des prêts accordés pour
l'acquisition » des immeubles saisis.

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