Hors collection - La confiscation des avoirs criminels - 148

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La confiscation des avoirs criminels

33. Dans cette logique, il est hautement probable que d'autres formes de
propriété plurale connaîtront le même sort, préjudiciable aux tiers copropriétaires, que celui d'ores et déjà réservé par le droit positif à l'indivision.
Nous songeons au premier chef à la communauté conjugale. Dans le
silence des textes encadrant les saisies et confiscations pénales relativement
aux biens communs appartenant à des époux, les juges répressifs auront
tendance à statuer par analogie avec les biens indivis50 et à conforter les
droits de l'État sur ces biens communs. Un important arrêt de la chambre
criminelle a récemment consacré cette analyse51.
Une autre situation de maîtrise collective d'un bien ne devrait pas
entraver non plus les saisies et confiscations, à savoir la tontine : un bien
est alors acquis en commun par deux personnes et, par le jeu de conditions
résolutoire et suspensive liées au décès de l'une et à la survie de l'autre, ce
bien est réputé avoir appartenu exclusivement au survivant dès son acquisition ; cette fiction évince l'indivision en propriété et le droit au partage
afférent ; pendante conditione, les copropriétaires ne sont unis que par
une indivision en jouissance52. En dépit de ces différences essentielles avec
l'indivision, il y a fort à parier que les biens acquis en tontine seront traités
comme des biens indivis, et ce afin de déjouer des velléités de dissimulation
de la propriété contraires aux intérêts généraux qui étayent les saisies et
confiscations. Dans son rapport annuel 2017, l'AGRASC s'est prononcée
en ce sens en relevant que « ces montages juridiques et autres opérations
atypiques ne doivent pas dissuader de procéder à une saisie pénale, sauf à
créer une voie de refuge aux délinquants souhaitant mettre une partie de
leur patrimoine à l'abri des confiscations »53.
34. Au nom de la lutte contre la criminalité, sont donc à prévoir de
nouvelles atteintes aux droits de tiers copropriétaires et, par là même,
50. Sur les différentes approches que pourraient adopter les juges répressifs à l'égard des
biens communs, cf. L. Ascensi, op. cit., n° 125.14.
51. Cass. crim., 9 sept. 2020, n° 18-84619 : il se déduit des articles 1441 et 1467 du Code
civil que « la confiscation d'un bien commun prononcée en répression d'une infraction
commise par l'un des époux ne peut qu'emporter sa dévolution pour le tout à l'État, sans
qu'il demeure grevé des droits de l'époux non condamné pénalement, y compris lorsque ce
dernier est de bonne foi ». L'arrêt précise cependant que « cette dévolution ne méconnaît pas
les droits de l'époux non condamné pénalement, dès lors que la confiscation, qui constitue
une pénalité évaluable en argent, est susceptible de faire naître un droit à récompense pour
la communauté lors de la dissolution de celle--ci, déduction faite du profit retiré par elle,
en application de l'article 1417 du code civil, au même titre qu'une amende encourue par
un seul époux et payée par la communauté ».
52. Cass. 1re civ., 27 mai 1986, n° 85-10031 ; Cass. 1re civ., 9 févr. 1994, n° 92-11111 ;
Cass. 1re civ., 9 nov. 2011, n° 10-21710 ; Cass. 3e civ., 17 déc. 2013, n° 12-15453.
53. AGRASC, Rapport annuel 2017, p. 19.

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