Manuel - Droit civil. Tome 2 - 32e - 30

DROIT CIVIL : RÉGIMES MATRIMONIAUX - SUCCESSIONS - LIBÉRALITÉS
20. Domaine de l'article 215, al. 3. - Les actes de disposition qu'un
conjoint ne peut faire seul sont ceux qui ont pour objet les droits par lesquels
est assuré le logement de la famille ou les meubles meublants (c'està-dire
le mobilier au sens courant du terme : tables, sièges, lits, etc.) dont
est garni le local. Le logement de la famille est le lieu (principal) de rassemblement
du couple et des enfants : notion de fait. Il subsiste même
après que l'un des époux a quitté les lieux, fût-ce en exécution d'une
ordonnance de résidence séparée au cours d'une procédure de divorce,
car tant que le mariage n'est pas dissous, une reprise de la vie commune
est possible (Cass. 1re
civ., 26janv. 2011, no 09-13138). Peu importe la
nature des droits permettant à la famille d'habiter les lieux : bail, parts
de société, propriété, usufruit... Peu importe, également, que les droits
appartiennent à un seul époux ou fassent partie de la communauté.
De la sorte, selon les cas, l'article 215, al. 3, recouvre purement et simplement
d'autres règles (ainsi, lorsque le local est un bien commun, l'accord
des époux est nécessaire pour le vendre en vertu de l'article 1424 ; v. infra,
no
140), en renforce certaines (ainsi, la cotitularité du bail en vertu de l'ar59),
ou déroge aux principes (ainsi, lorsque le local
ticle 1751 empêche déjà les actes de disposition d'un époux de nuire à son
conjoint ; v. infra,no
appartient en propre à un époux, l'article 215 restreint le pouvoir de
libre disposition du propriétaire).
Quant aux actes pour lesquels le consentement du conjoint est nécessaire,
le texte vise les actes de disposition (vente, donation, échange). Il est plus
conforme à l'esprit de la loi de considérer qu'il s'agit des actes qui peuvent
avoir pour conséquence l'éviction du conjoint et des enfants. Ainsi, l'époux
propriétaire ne pourrait pas concéder seul à un tiers un bail sur le local (en
ce sens : Cass. 1re
époux est exigé pour la résiliation d'un contrat d'assurance, acte risquant de
priver la famille du logement en cas de sinistre : Cass. 2e
civ., 16mai 2000, no 98-13441). Le consentement des deux
civ., 10mars 2004,
no 02-20275). Il en est de même pour une demande en partage pouvant
civ., 3 avr. 2019, nº 18-15177). Mais dans le cas où le logement famiconduire
à la licitation d'un bien indivis assurant le logement familial
(Cass. 1re
lial appartient à une société civile dont au moins un des époux est associé, la
cession de ce local par la société, celle-ci serait-elle en fait aux mains d'un des
époux, est hors du champ d'application de l'article 215, alinéa 3, à défaut d'un
titre de mise à disposition du local par la société à son ou ses associés
(Cass. 1re
civ., 14mars 2018, nº 17-16482).
Les actes donnant prise à l'article 215, alinéa 3, sont ceux qui menacent le
). Ce sont donc des actes créant un risque d'éviction de la famille au
civ.,
cadre de la communauté de vie à laquelle se sont obligés les époux (art. 215,
alinéa 1er
cours du mariage. La protection du logement familial assurée par le texte ne
se prolonge pas au-delà. Des actes dont l'effet est retardé après la dissolution
du mariagenesont pas soumis à l'exigence du consentement du conjoint.
Ainsi en est-il du testament léguant le logement à un tiers (Cass. 1re
22 oct. 1974, nº 73-12402) ou de la donation à un tiers, avec réserve d'usufruit
par le donateur à son profit : cette réserve permet d'assurer le logement de la
famille, mais seulement pendant le mariage, qui est dissous par le décès du
30
Manuel - Droit civil. Tome 2 - 32e

Table des matières de la publication Manuel - Droit civil. Tome 2 - 32e
