Manuel - Droit des biens - 3e - 150

DROIT DES BIENS
distinctes72
et non aux cas où l'on reconnaît à une personne un droit réel
(temporaire) sur la chose d'autrui.
Le droit de « crû et à croître », qui confère à son titulaire le droit d'exploiter un bois
appartenant à un autre, ce dernier profitant du sous-sol et le cas échéant d'autres utilités,
telles un droit de pâture, suscite certaines difficultés d'analyse. Perpétuel d'après la Cour
de cassation73
composée des seuls bois, crûs et à croître74
, le droit de « crû et à croître » serait un droit de propriété dont l'assiette est
. Pourtant, le titulaire du droit ne peut faire des
bois ce qu'il veut puisqu'il ne peut que l'exploiter : il n'a pas la liberté d'un propriétaire.
110. Cas particulier des « baux réels ». Les « baux réels » confèrent
au « locataire », d'une part, un droit réel sui generis susceptible
d'hypothèque75
, qui varie suivant le « bail » en cause, et qui lui permet d'exploiter
ou l'y oblige, librement ou d'une certaine manière, la superficie ou
le tréfonds de l'immeuble pendant une longue durée, et, d'autre part, un
droit de superficie sur les plantations et constructions réalisées76
ces baux, le bail emphytéotique77
. Parmi
confère à l'emphytéote le droit
complexe et droit de propriété », RDI 1999, p. 489 ; Y. STRICKLER, nº 278. Contra,F. ZENATI-CASTAING et
Th. REVET, nº 146.
72. Ce qui explique qu'il n'y ait pas de propriété collective. Ainsi le superficiaire et le tréfoncier ne sont pas
en situation d'indivision (Cass. civ., 16déc. 1873, DP 1874, 1, p. 249 : « le droit de superficie forme un droit
de propriété distincte et séparée de celle du fonds ; [...] il porte exclusivement sur les constructions, bois et
arbres, et autres produits du sol qui fait l'objet du contrat par lequel il a été stipulé »).
73. Cass. 3e
civ., 23mai 2012, Bull. civ. III, nº 84, JCP 2012, 1186, obs. H. PÉRINET-MARQUET.En l'espèce, au
début du XIXe siècle, un copartageant s'était vu attribuer un lot comprenant deux cantons de bois « crû et
à croître, à perpétuité, mort et vivant ». Un siècle et demi plus tard, les deux cantons de bois n'étant plus
exploités, le « propriétaire du sol » en revendique la propriété arguant de l'extinction du droit de « crû et à
croître », simple droit réel de jouissance, en raison de son non-usage trentenaire. La Cour de cassation lui
oppose que « la prérogative ainsi concédée était perpétuelle et ne pouvait s'éteindre par non-usage trentenaire
».
74. Il s'agit d'« une sorte de droit de superficie de nature rurale offrant à son bénéficiaire l'usus, le fructus et
l'abusus des bois mais se limitant à cet objet, à l'exclusion des autres éléments du sol et du tréfonds »,
H. PÉRINET-MARQUET, obs. préc. ss. Cass. 3e
civ., 23mai 2012, Bull. civ. III, nº 84.
75. Le preneur pourra ainsi garantir les crédits nécessaires à la réalisation des opérations qu'il a en vue.
76. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 17juill. 1997 (Bull. civ. III, nº 169), a, au sujet
d'un bail à construction et d'une procédure d'expropriation, cassé une décision qui avait estimé que la
valeur du droit réel immobilier conféré au preneur par ce bail correspondait à la valeur de l'utilisation
du terrain faisant l'objet dubail, c'est-à-dire à la valeur des constructions édifiées sur ce terrain, sans rechercher
si ce droit n'avait pas une valeur propre distincte de la seule valeur des constructions édifiées sur le
terrain en vertu de ce bail. Autrement dit, la valeur du droit de construire n'est a priori pas réductible à
celle des constructions.
77. Art. L. 451-1 s. C. rur. et pêch. mar. D'après l'art. L. 451-1 C. rur. et pêch. mar., « [l]e bail emphytéotique
de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé
et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière ». Bien que le bail emphytéotique soit réglementé
par le Code rural et de la pêche maritime, son champ d'application n'est pas limité aux immeubles
ruraux. Par ailleurs, les personnes publiques ont eu recours au bail emphytéotique depuis fort longtemps,
notamment en vue de la réalisation de programmes culturels et cultuels (Y. GAUDEMET, « Les baux emphytéotiques
des personnes publiques, une longue histoire », Mélanges en l'honneur du doyen Jean-Pierre Machelon,
LexisNexis, 2015, p. 391 s., spéc. p. 394 ; J.-J. BIENVENU,« L'esprit et les formes. Sur le bail emphytéotique
», Mélanges en l'honneur du professeur Laurent Richer, LGDJ, 2013, p. 493). Quant à la loi du 5janvier
1988 d'amélioration et de décentralisation, elle a créé la figure du bail emphytéotique administratif, bail
emphytéotique spécial, qui peut être conclu même sur les dépendances du domaine public (v. aujourd'hui
art. L. 1311-2 al. 2 CGCT : « Un tel bail peut être conclu même si le bien sur lequel il porte, en raison notamment
de l'affectation du bien résultant soit du bail ou d'une convention non détachable de ce bail, soit des
conditions de la gestion du bien ou du contrôle par la personne publique de cette gestion, constitue une
dépendance du domaine public, sous réserve que cette dépendance demeure hors du champ d'application
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