Manuel - Droit des biens - 3e - 368

DROIT DES BIENS
une libéralité est admise, dès lors qu'elle est « temporaire »369
du donateur »370
, et motivée par un « intérêt sérieux et légitime »371
,« dans l'intérêt
. Cette solution
est aujourd'hui consacrée à l'article 900-1 du Code civil, aux termes
duquel : « Les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne
sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux
et légitime (...) » (al. 1)372
légitime devrait être plus rigoureusement caractérisé dans les actes à titre
369. Elle ne doit donc pas être perpétuelle (Cass. req., 20mai 1879, DP 1879, 1, p. 431 : la clause d'inaliénabilité
suivant laquelle les «biens ne pourraient être aliénés ni vendus sous aucun prétexte » est « illicite et
nulle, comme entravant la libre circulation des biens » ; Cass. 1re
civ., 16 févr. 1953, D. 1953, p. 282 : « l'interdiction
d'aliéner " à toute personne que le vendeur ou à ses héritiers " , sans engagement pour le vendeur luimême
d'acquérir, frappe en réalité l'immeuble vendu d'une indisponibilité illimitée dans le temps »).
370. Cass. civ., 20 avr. 1858, DP 1858, 1, 154 : « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de
la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ;
(...) aucune loi ne défend au père de famille qui fait donation de ses biens à ses enfants, de s'en réserver
l'usufruit, et, soit dans l'intérêt de son droit comme usufruitier, soit pour assurer l'exercice du droit de
retour qui peut un jour lui appartenir, d'imposer à ses enfants la condition de ne pas aliéner ou hypothéquer,
de son vivant, les biens donnés ; (...) cette interdiction temporaire, imposée dans l'intérêt du père
donateur, nepeut être assimiléeà une interdiction d'aliéner absolue et indéfinie qui aurait pour résultat
de mettre pendant un long temps les biens hors de la circulation ».
371. Il peut s'agir de l'intérêt du disposant qui voudrait assurer le maintien du bien dans la famille
(Cass. 1re
civ., 20 nov. 1985, Bull. civ. I, nº 313 : « ayant procédé à la recherche de l'intention de la donatrice,
la cour d'appel a retenu, au vu des documents produits, que par la condition particulière imposée dans
l'acte de donation sous peine de révocation, Mme deB... avait voulu que, de son vivant, l'immeuble qu'elle
avait elle-même recueilli dans la succession de sa mère ne puisse quitter le patrimoine de la manche de sa
famille par une aliénation ; (...) les juges du second degré ont pu en déduire que la clause, limitée dans le
temps, était justifiée par un intérêt sérieux et légitime, et répondait, en conséquence, aux exigences de
l'art. 900-1 du Code civil »).
Il peut également s'agir de l'intérêt du gratifié que le disposant veut protéger en raison de son inexpérience
(Cass. req., 16janv. 1923, DP 1923, 1, p. 177 : le testateur « n'a pas subordonné le legs par lui fait à sa nièce à
des conditions restreignant pour celle-ci la liberté de se marier ; (...) il a seulement voulu que les biens
légués soient incessibles et insaisissables jusqu'à ce que sa légataire ait atteint l'âge de trente ans ou ait
contracté mariage avec l'approbation de ses grands-parents ou, à défaut de ceux-ci, d'un conseil de famille ;
(...) suivant les constatations souveraines de l'arrêt attaqué, cette clause a été inspirée par un sentiment de
bienveillant intérêt pour la légataire, en vue de la protéger contre les prodigalités auxquelles elle aurait pu
se laisser entraîner sous l'influence de son père, dont le testateur connaissait si bien l'esprit de dissipation
qu'il l'avait privé de tout droit de jouissance légale sur les biens légués » ; Cass. req., 11juill. 1877, DP 1878,
1, p. 62 : clause prévoyant que la légataire ne pouvait aliéner ses biens avant l'âge de vingt-cinq ans ; mais
le contentieux ne portait pas sur le contrôle de la cause sérieuse et légitime) ou encore de l'intérêt d'un
tiers (Cass. req., 12juill. 1865, DP 1865, 1, p. 475 : « la clause testamentaire dont s'agit au procès n'a interdit
aux légataires la faculté d'aliéner que pendant la durée de l'existence de deux personnes à chacune desquelles
le testateur avait légué une rente viagère, et (...) il est constaté par l'arrêt attaqué qu'elle a eu pour
cause sérieuse et légitime le désir de mieux assurer le service de ces rentes viagères mises à la charge
desdits légataires »).
372. Le double contrôle de proportionnalité et de finalité s'impose dans la mesure où la clause d'inaliénabilité
porte atteinte au droit fondamental de propriété. Lorsque la clause ne remplit pas ces conditions, elle
est nulle de nullité absolue et n'emporte la nullité du contrat si elle constituait la condition sine qua non de
l'engagement du disposant (art. 900 C. civ. : « Dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions
impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites »).
373. Cass. 1re
civ., 31 oct. 2007, Bull. civ. I, nº 337. La généralité de la règle formulée tranche avec la particularité
des faits de l'espèce:des fondsdonnéset stipulésinaliénables avaient été remployésen vue de
financer partiellement l'acquisition d'un immeuble. Sur demande d'un créancier, l'immeuble sera vendu,
mais les juges décident que seule la partie du prix de vente correspondant à la portion acquise en remploi
des deniers inaliénables pouvait être attribuée au créancier.
368
. Et au sujet des actes à titre onéreux, la Cour de cassation
a clairement affirmé que « dès lors qu'elle est limitée dans le temps et
qu'elle est justifiée par un intérêt sérieux et légitime, une clause d'inaliénabilité
peut être stipulée dans un acte à titre onéreux »373
.L'intérêt sérieux et

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