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PARTIE 1. TITRE 3 - LES DROITS SUBJECTIFS
pouvoir de disposition, reprise et affinée ultérieurement par Roubier8
, impose en outre une
conception bien restrictive des droits subjectifs. Si ceux- ci ne peuvent avoir pour objet que
des choses appropriables, il faut se résoudre à exclure de cette catégorie les droits de la
personnalité. Enfin, il est reproché à cette thèse de passer sous silence le but pour lequel
le droit objectif opère une concession au profit du pouvoir individuel de volonté. De cette
critique est née la célèbre définition de Jhering selon laquelle le droit subjectif est un « intérêt
légitime juridiquement protégé ». Il n'y a de droit subjectif qu'autant qu'il existe une action
en justice pour le protéger. L'accent est alors mis sur l'utilité des droits subjectifs, sur les
avantages qu'ils garantissent quelle que soit leur nature : matérielle ou morale. À l'opposé de
la conception volontariste, la catégorie s'étend alors aux droits de la personnalité, intérêts
jugés dignes de protection. Le principal grief formulé à l'égard de cette conception est d'ordre
méthodologique. Ainsi que l'écrit Dabin : « l'intérêt n'est pas un droit parce qu'il est protégé ;
il est, au contraire, protégé parce qu'il est reconnu être un droit, méritant comme droit cette
protection. Et alors la question reste entière de savoir en quoi consiste le droit »9
. La thèse
de Jhering présente la faiblesse de tout raisonnement finaliste. On ne peut définir une chose
par son but, quoique celle- ci en ait un10
! Afin de transcender les critiques, certains auteurs
tentèrent de concilier les approches volontariste et finaliste. Adoptant une définition mixte,
Saleilles considère que les droits subjectifs sont « un pouvoir mis au service d'intérêts de
caractère social, et exercé par une volonté autonome »11
. Quelques années plus tard, Dabin
propose sans doute la définition la plus aboutie des droits subjectifs. L'auteur défend l'idée
qu'intrinsèquement, le droit subjectif est un lien d'appartenance et un pouvoir de maîtrise,
tandis qu'extrinsèquement il est un rapport d'altérité qui impose une protection juridique.
Le lien d'appartenance traduit la relation qui existe entre un sujet de droit et une valeur,
peu importe que celle- ci soit extérieure ou inhérente à la personne : chose matérielle, immatérielle,
valeur morale (ce qui permet d'englober les droits de la personnalité). Le pouvoir
de maîtrise est le reflet de l'assujettissement de cette valeur au sujet de droit. Le rapport
d'altérité renvoie à l'idée d'opposabilité de l'appartenance- maîtrise. Il n'y a de droits subjectifs
que dans la mesure où l'individu évolue au sein d'un groupe. Il appartient alors à la société de
garantir leur protection. Se voulant résolument novatrice, la définition retenue s'avère, à la
réflexion, empreinte de considérations classiques. Ce faisant, l'immense mérite de l'éminent
juriste est sans doute d'avoir systématisé l'approche duale des droits subjectifs, aujourd'hui
communément admise. Tout droit subjectif confère à son titulaire une prérogative (portant
sur une chose, une valeur) et est protégé, en cas d'atteinte, par l'existence d'une sanction.
Prolifération des droits subjectifs. Depuis la deuxième moitié du xxe
siècle, la catégorie
des droits subjectifs ne cesse de se dilater. Au nom d'une philosophie individualiste, prétendument
fondatrice de l'État de droit, les individus exigent la reconnaissance juridique de
leurs moindres désirs. Leurs envies se muent en revendication. Le sujet de droit est placé
au cœur du système et le groupe relégué au second plan. Dans ce contexte, l'idéologie des
droits de l'homme a été utilisée (instrumentalisée ?) afin d'assurer le primat de l'individu.
Celui- ci devient le centre des préoccupations. Le culte de l'ego conduit à faire de l'épanouissement
individuel l'objectif ultime. Au nom d'un droit à l'autonomie personnelle, il
8. rouBier P., Droits subjectifs et situations juridiques, 1963, Dalloz, coll. Philosophie du droit, spéc. p. 73.
9. daBin J., Le droit subjectif, 1952, Dalloz, p. 69.
10. Un tel raisonnement conduirait à assimiler une voiture et un bateau sous prétexte qu'ils permettent de voyager ;
l'électricité, le bois, le pétrole sous prétexte qu'ils produisent de l'énergie...
11. saleilles R., De la personnalité juridique, 2e
éd., 1922, Paris, éd. Rousseau, p. 546 et s.
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