CRFPA - Précis de culture juridique - CRFPA - Examen national Session 2021 - 5e - 213

PARTIE 1. TITRE 3 - L'AVOCAT GARANT DES DROITS ET LIBERTÉS
Le lecteur comprend mieux quelles qualités étaient attendues sinon conférées aux avocats.
D'après une opinion théologique minoritaire, Dieu créa les Avocats, qui engendrèrent les
autres créatures.
Il serait plus aventureux de ne pas se livrer à un exercice prospectif que de le tenter. Cette
profession compte aujourd'hui 71 000 membres dont 32 000 exerce à Paris. Elle vit depuis un
demi- siècle nombre de mutations dont il faut bien avouer que toutes se sont imposées par
la loi ou le marché, la loi du marché et - peut- être - le marché de la loi ! Ces changements
n'ont épargné aucun aspect : la gouvernance, les structures d'exercice, le périmètre du droit,
la collaboration libérale, l'indépendance... tout jusqu'au serment (et, notable exception, grâce
à un avocat). Les avocats, par le biais de leurs ordres, ont su gagner en indépendance en
créant les CARPA, caisses autonomes par lesquelles doivent transiter tout maniement de
fonds, qui génèrent des intérêts finançant diverses missions ordinales. Elles sont l'objet
de la convoitise de l'État, pour des raisons financières (son appauvrissement) et juridiques
(la dérégulation). Or elles garantissent aux ordres leur indépendance et, à terme, ce sont
donc les modes d'organisation professionnelle qui s'avèrent menacés. Beaucoup d'autres
points méritent d'être étudiés : l'enjeu numérique, la procédure disciplinaire, la maîtrise du
tableau, le statut des collaborateurs, le rapport aux pouvoirs publics, la défense effective
du secret, que le format requis de cette notice n'autorise pas à développer plus avant mais
ne constituent pas moins des enjeux primordiaux.
Une question suppose en réalité que les avocats sachent entendre les enjeux du monde
pour y définir leur place : quels moyens entendent- ils mettre en œuvre pour s'y épanouir ?
Une donnée vient jeter une lumière crue sinon cruelle sur leur avenir : la dé- judiciarisation
combinée au numérique qui vient bouleverser les activités traditionnelles de conseil et de
défense. Ainsi disserte- t-on à l'envi sur le procès sans juge ou sans avocat. Mais la vraie
question, à l'heure où les métiers de l'oralité ont avalé ceux de la forme (et où la procédure
n'est plus enseignée, pas même aux futurs juges, et où l'on promeut les modes alternatifs de
règlement des conflits ou la médiation), réside plutôt dans celle- ci : ne nous dirigeons- nous
pas vers le procès sans instance ? Dès lors, quelle sera l'activité des avocats de demain ?
À eux de répondre s'ils ne souhaitent pas que leur avenir leur soit dicté.
Et il n'est pas absurde de constater que cette profession a déjà subi de nombreuses
agressions dans l'histoire (jusqu'à sa suppression) dont elle s'est toujours relevée. En effet,
l'arme principale des avocats réside dans leur créativité et leur esprit, trop humbles pour
avoir des serviteurs et trop fiers pour avoir des maîtres, ils ne se veulent rien d'autre que
des femmes et des hommes libres.
Cette profession correspond à un état, une disposition d'esprit, parfois décriée ou moquée,
souvent combattue ou dénigrée, toujours crainte car elle ne redoute pas d'en appeler à l'intelligence
de l'auditoire plus qu'à ses certitudes ou à ses a priori.
Si, dans ses Grotesques, Théophile Gautier affirme « l'antipathie que toute âme un peu
bien située se sent pour cet odieux métier de l'avocasserie », le chancelier d'Aguesseau
en propose dans Éloges et devoirs de la profession d'avocat un autre portrait qui offre le
mérite d'une langue moins pédante et d'une hauteur de vue qu'il convient de relever :
« Exempte de toute sorte de servitudes, la profession d'avocat arrive à la plus grande élévation
sans perdre aucun des droits de sa première liberté, et, dédaignant tous les ornements
inutiles à la vertu, elle peut rendre l'homme noble sans naissance, riche sans biens, élevé
sans dignités, heureux sans le secours de la fortune. »
En guise de conclusion, relisons seulement leur serment : « je jure comme avocat, d'exercer
mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».
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