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PRÉCIS DE CULTURE JURIDIQUE
Ainsi largement entendue, la liberté d'entreprendre recouvre de nos jours une double dimension,
finement dégagée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 30 novembre 2012 :
« la liberté d'entreprendre comprend non seulement la liberté d'accéder à une profession
ou à une activité économique mais également la liberté dans l'exercice de cette profession
ou de cette activité »3
.
1. Liberté d'accéder à une profession ou une activité économique
La liberté est d'abord celle d'accéder sans entrave à une profession ou à une activité
économique. C'est donc la liberté de se lancer dans le grand bain du marché, de choisir un
secteur d'activité, d'embrasser un métier.
Et l'on pressent d'emblée qu'il serait vain de vouloir distinguer la liberté d'entreprendre de
celle du commerce et de l'industrie. Sans doute la question est- elle discutée compte tenu
de la valeur normative exceptionnelle de la libre entreprise. Il reste que la liberté de se
lancer dans l'activité économique de son choix est l'héritière de l'une comme de l'autre : elle
prend pareillement racine dans l'abolition des corporations, jurandes ou maîtrises. Proche
des physiocrates, Turgot tenta le premier d'abolir les communautés de métiers. L'exposé du
préambule de son décret de 1776 est éclairant sur les tares d'un système corporatif vieux de
sept siècles : « dans presque toutes les villes de notre royaume, l'exercice des différents arts
et métiers est concentré dans les mains d'un petit nombre de maîtres réunis en communauté,
qui peuvent seuls, à l'exclusion de tous les autres citoyens, fabriquer ou vendre les
objets de commerce particulier dont ils ont le privilège exclusif ; en sorte que ceux de nos
sujets qui, par goût ou nécessité, se destinent à l'exercice des arts et métiers, ne peuvent
y parvenir qu'en acquérant la maîtrise, à laquelle ils ne sont reçus qu'après des épreuves
aussi longues et aussi nuisibles que superflues, et après avoir satisfait à des droits ou à des
exactions multipliées, par les lesquelles une partie des fonds dont ils auraient eu besoin
pour monter leur commerce ou leur atelier, ou même pour subsister, se trouve consommée
en pure perte ». Mais sous la pression des métiers, l'édit fut aussitôt rapporté et Turgot
remplacé... Il faudra attendre la Constituante et la loi des 2 et 17 mars 1791, plus connue sous
le nom de décret d'Allarde4
, pour qu'il soit dorénavant « libre à toute personne de faire tel
négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon ». La loi Le Chapelier
des 14 et 17 juin 1791 parachèvera cette œuvre libératrice en interdisant la reconstitution de
toute organisation professionnelle, guilde ou corporation.
Toujours en vigueur, la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et
de l'artisanat, dite « loi Royer », consacre aujourd'hui cette liberté conquise depuis le droit
intermédiaire : son article 1 énonce avec panache que « la liberté et la volonté d'entreprendre
sont les fondements des activités commerciales et artisanales ».
Plus, les libertés d'établissement (TFUE, art. 49 et s.) et de prestations de services (TFUE,
art. 56 et s.) garanties par l'Union européenne étendent sur le territoire de l'Union l'empire
d'un « libre exercice des activités économiques » constitutif, de longue date, d'un principe
général du droit communautaire suivant la Cour de justice5
.
3. Cons. const., 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC, cons. 7 - Cons. const., 12 mai 2010, n° 2010-605 DC, cons. 25.
4. Du nom du Baron Pierre d'Allarde, rapporteur du texte.
5. V. par ex. CJCE, 21 févr. 1991, aff. jtes C-143/88 et C-92/89, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest,
Rec. CJCE 1991, I, p. 415, par. 72 à 77.
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