CRFPA - Précis de culture juridique - CRFPA - Examen national Session 2021 - 5e - 382

PRÉCIS DE CULTURE JURIDIQUE
Section 2
Les droits économiques et sociaux :
vrais droits et libertés fondamentaux
Marc Pichard
Professeur à l'Université Paris Nanterre
Le statut des droits économiques et sociaux au sein du système juridique suscite la controverse,
et il n'est pas rare que la qualification de droits fondamentaux leur soit déniée13
.
Mais avant d'entrer plus avant dans le débat, les termes de celui- ci doivent être précisés.
Qu'entend- on par droits économiques et sociaux ? Déjà, leur dénomination elle- même est
loin d'être constante : droits économiques, sociaux et culturels14
, droits sociaux, droitscréances,
droits de la deuxième génération, droits à,... Or, loin de n'être que des étiquettes
distinctes apposées sur des objets identiques, les appellations en cause ne renvoient pas
nécessairement au même corpus. Ainsi peut- on admettre que le droit de grève est un droit
social - en ce qu'il est un « instrument (...) de transformation sociale, par les correctifs qu'il
(...) apporte (...) au libéralisme »15
; de même, ne fait- il guère de doute que le droit au logement
soit un droit social. Or, à la différence du second, le premier ne peut certainement pas être
qualifié de droit- créance ou de droit à dès lors que, au premier abord, sa mise en œuvre
n'exige aucune prestation d'autrui. Partant, pour les besoins de l'étude, on s'attachera à deux
critères d'identification : un critère téléologique - la lutte contre les inégalités sociales - et
un critère structurel - la mise en évidence formelle d'une créance - dont la combinaison
permet d'isoler les droits dont le statut est le plus discuté.
Qu'entend- on par droits fondamentaux ? Faut- il s'en tenir à un critère formel (la valeur
supra- législative) ? à un critère matériel (l'importance de la valeur protégée) ? En fonction des
auteurs mais aussi des sources positives et des contextes, l'approche varie. En particulier,
le Conseil d'État a pu considérer comme des « libertés fondamentales » au sens de l'article
L. 521-2 du Code de justice administrative régissant le « référé- liberté » plusieurs droits
dont la source, législative, devrait, au regard d'un critère formel, les exclure de la catégorie.
Parce qu'il ne s'agit pas de prendre position au sein de cette autre controverse, retenir
une définition stipulative s'impose, en l'occurrence une définition formelle et restrictive
des droits fondamentaux comme droits reconnus par une source à valeur supralégislative.
Au premier abord, une telle définition du corpus devrait faire perdre toute pertinence à l'interrogation.
Dès lors qu'un droit économique et social serait consacré dans un énoncé contenu
dans un instrument d'un type tel que sa valeur serait supérieure à la loi, il devrait pouvoir
être qualifié de fondamental. Ainsi en irait- il, par exemple, du droit d'obtenir un emploi ou du
droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence qui, parce qu'ils sont
13. Pour une présentation des termes de la controverse, v. favoreu L. et al., Droit des libertés fondamentales, 7e
éd.,
2015, Dalloz, coll. Précis, n° 130 et s., p. 109 et s. ; Herrera C. M., Les droits sociaux, 2009, PUF, coll. Que sais- je ?,
p. 11 et s.
14. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Assemblée générale des Nations unies,
résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966, entré en vigueur le 3 janvier 1976.
15. V. roMan D., « La justiciabilité des droits sociaux ou les enjeux de l'édification d'un État de droit social », La Revue
des droits de l'homme [En ligne], 1/2012, https://revdh.revues.org/635.
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