Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 23 - Le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire - 354

Conflit d'intérêts et protection des droits fondamentaux du débiteur

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565.  Conception classique de la notion de conflit d'intérêts. Dans son acception la plus classique et restrictive, le conflit d'intérêts correspond à « la situation
dans laquelle les  intérêts personnels d'une personne sont en opposition avec ses
devoirs »10. Autrement dit, l'idée conductrice est la suivante : le titulaire d'une
fonction ou de la protection de l'intérêt d'autrui doit éviter le conflit entre son
intérêt personnel et le devoir dont il a la charge. Au demeurant, cette conception
de la notion implique le respect d'un devoir moral11. Cette situation ne  correspond pas au schéma qu'implique le dessaisissement du débiteur.  En effet, la
-personne susceptible de porter le conflit d'intérêts est le liquidateur. D'abord, la
problématique intéressant l'analyse ne concerne pas le cas où le mandataire ferait
prévaloir son intérêt personnel en opposition avec l'intérêt dont il a la charge12.
Ensuite, si le liquidateur peut effectivement faire face à une situation de conflit
d'intérêts, celle‑ci ne saurait être conditionnée à un éventuel manquement à un
devoir de loyauté ou d'impartialité. En effet, l'enjeu n'est pas de savoir si le liquidateur fait prévaloir son intérêt personnel sur l'intérêt collectif des créanciers. Au
contraire, il s'agit de la situation au sein de laquelle il ferait prévaloir l'intérêt du
débiteur sur celui de la collectivité des créanciers. La question peut avoir à se
poser, puisque le mandataire a qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers et ce n'est que grâce à cette qualité qu'il peut ensuite se substituer au débiteur
en vertu du dessaisissement13.
566.  Conception élargie de la notion de conflit d'intérêts. Une conception plus
large de la notion de conflit d'intérêts14 vise la situation au sein de laquelle les intérêts de deux personnes distinctes sont en opposition15. Cette vision correspond
mieux à ce qu'il est possible de retrouver dans le cadre de la liquidation judiciaire16,
10. P.‑F. Cuif, « Le conflit d'intérêts, essai sur la détermination d'un principe juridique en droit
privé », préc., n°  1. Pour cet auteur, il s'agirait d'ailleurs du seul véritable conflit d'intérêts. Adde :
A. Couret, « la gestion des conflits d'intérêts », préc., n° 60.
11. P.‑F. Cuif, « Le conflit d'intérêts, essai sur la détermination d'un principe juridique de droit
privé », préc., n° 42 et s. -  M. Mekki, « Introduction à la notion de conflits d'intérêts », in Les conflits
d'intérêts, dir. D.  Mazeaud, B.  Moore et B. Mallet‑Bricoud, Dalloz, 2013, n°  34 - J.  MoretBailly, « Définir les conflits d'intérêts », préc., n° 23.
12. Sur ce cas : Ch. Delattre, « AJMJ et conflit d'intérêts dans l'exercice du mandat de justice »,
JCP E 2019. 1390.
13. Supra n° 235 s.
14. Les deux acceptions de la notion sont régulièrement opposées : D. Schmidt, op. cit., n° 18,
sp. note n° 94 : « un conflit d'intérêts au sens de la présente étude est un conflit qui concerne une seule et
même personne ayant deux intérêts opposés. Dès lors, l'ouvrage ne traite pas des conflits entre deux
personnes ayant des intérêts opposés ». Toutefois, pour un autre auteur, l'opposition d'intérêts de deux
personnes distinctes est nécessairement le point de départ de toutes situations de conflits d'intérêts :
J.  Valiergue, op.  cit., n°  11 : « l'étude des situations dans lesquelles une personne voit ses intérêts
personnels entrer en conflit avec ceux dont elle a la charge a nécessairement, sinon pour objet, du moins
pour point de départ l'étude des conflits d'intérêts entre personne distincte ».
15. J.  Moret, « Définir les conflits d'intérêts », préc., n°  2 - Ph. Roussel Galle, « Brèves
observations sur la notion de conflits d'intérêts en droit des affaires », préc., n° 8 s. Selon un auteur,
cette acception de la notion correspondrait à des conflits d'intérêts qui n'auraient pas véritablement
de nature juridique : Th. Douville, op. cit., n° 6.
16. La notion de conflit d'intérêts n'est toutefois pas étrangère au droit des entreprises en
difficulté. En effet, la loi du 18 novembre 2016 (L. n° 2016‑1547 du 18 nov. 2016, JO, 19 nov. 2016) a
instauré un « système » de prévention des risques liés au défaut d'impartialité des magistrats.
L'art. L. 722‑20 C.  com.  définit le conflit d'intérêts comme « toute situation d'interférence entre un
intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à  influencer ou à paraître influencer
l'exercice indépendant, impartial ou objectif d'une fonction ». Sur les enjeux attachés au respect de la
règle : Ch. Delattre, « Justice consulaire et impartialité objective », Rev. Proc. Coll. 2019/4, ét. 13.

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