Bibliothèque de droit social - Tome 79 - La charge de travail - 144

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LA CHARGE DE TRAVAIL

204.  L'importance d'un suivi régulier de la charge de travail par l'employeur.
Avec un certain recul sur les décisions rendues ces dernières années par la Cour de
cassation, on peut constater qu'un point commun rapproche les conventions collectives qui sont suffisamment protectrices et les distinguent de celles qui ne le
sont pas : un suivi, régulier, par l'employeur, de la charge de travail du salarié au
forfait en jours161. En d'autres termes, toutes les conventions qui prévoient un
examen annuel, semestriel voire trimestriel des données relatives aux jours travaillés, à l'amplitude et à la charge de travail, sont insuffisantes si elles ne prévoient
pas un contrôle « au fil de l'eau » de cette charge de travail162. La Cour de cassation semblait censurer automatiquement les conventions collectives qui prévoyaient un contrôle par le salarié des jours travaillés, par le biais d'un système
auto-déclaratif. Par exemple, énoncer que la charge de travail doit permettre le
respect des durées minimales de repos ou des durées maximales de travail ne suffit
pas si la régulation de cette charge de travail est laissée à la responsabilité du salarié. L'accord qui se borne à prévoir qu'il incombe aux salariés « de tenir compte
des limites journalières et hebdomadaires et d'organiser leurs actions dans ce
cadre et en cas de circonstances particulières d'en référer à leur hiérarchie de rattachement » est également insuffisant : c'est à l'employeur et non au salarié de
veiller que la charge de travail reste raisonnable163. Il en va de même pour celui qui
laisse au salarié le soin d'effectuer lui-même le suivi de sa charge de travail par un
bilan qu'il dresse chaque trimestre, afin de remédier aux éventuels excès164. Pour
autant, un système auto-déclaratif n'est pas incompatible avec les exigences jurisprudentielles s'il est doublé d'un suivi de la charge de travail régulier, effectué par
l'employeur, comme c'est le cas notamment s'agissant de la convention collective
applicable aux banques165. Une telle appréciation paraît logique car si l'employeur
est responsable de la protection du salarié au forfait-jours, il est judicieux d'associer le salarié à l'appréciation de la charge de travail, qui demeure une donnée
subjective et ne peut se résumer au triptyque temps de travail/temps de repos/
amplitude166. Ainsi l'exigence d'un suivi effectif et régulier par l'employeur de la
charge de travail permet parfois de distinguer deux conventions collectives qui,
par ailleurs, sont très proches. Au gré de la construction de cette jurisprudence, le
dispositif du forfait en jours est devenu indissociable du suivi de la charge de travail. Les partenaires sociaux comme le législateur ont intégré cette exigence pour
tenter de sécuriser les conventions de forfait, existantes et à venir.
161. Cass. soc., 5 oct. 2017, n° 16‑23.106, FS-P+B ; 13 juin 2018, n° 17‑14.589, F-D ; 6 nov. 2019,
n° 18‑19.752, F‑P+B.
162. A.  Fabre, « Forfait jours : " La souplesse ne doit pas permettre de se désintéresser de la
charge de travail réelle du salarié "  », entretien avec Ph. Florès, Cahiers sociaux 2013, p. 476.
163. Cass. soc., 11 juin 2014, n° 11‑20.985, FS-P+B.
164. Cass. soc., 13 nov. 2014, n° 13‑14.206, FS-P+B.
165. E. Jaglin & O. Giovenal, « Le forfait annuel en jours, tel que prévu dans le secteur de la
Banque, est conforme aux exigences de la Cour de cassation », JSL n°  381, 10  févr.  2015, p.  10 :
« au-delà de l'aspect auto-déclaratif, l'accord ARTT du 29 mai 2001 impose à l'employeur de veiller
aux éventuelles surcharges de travail des salariés soumis à une convention de forfait en jours et, le cas
échéant, de prendre toutes dispositions adaptées pour respecter, en particulier, la durée minimale de
repos quotidien. Autrement dit, de réagir en cas de surcharge de travail constatée par l'employeur. Ce
que ne prévoyaient pas expressément les conventions collectives du notariat et des cabinets d'experts
comptables, quoique les garanties prévues par cette dernière ne semblent pas très éloignées de celles
discutées en l'espèce ».
166. S. Tournaux, « Convention de forfait en jours dans les études notariales : le maintien d'une
politique jurisprudentielle globale de remise en cause de la négociation de branche », Lexbase
hebdo. éd. soc. n° 592, 27 nov. 2014.

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