Bibliothèque de droit social - Tome 79 - La charge de travail - 275

Les enjeux d'une charge de travail raisonnable

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réaliser le travail. À partir de ce modèle, Robert Karasek a fait le constat que les
travaux dépourvus de latitude décisionnelle étaient les plus stressants. À l'inverse,
cette latitude décisionnelle, qui constitue une opportunité de mettre en œuvre ses
compétences, améliore la sensation d'efficacité et d'adaptabilité à l'environnement
de travail, utile pour prévenir l'apparition de stress professionnel124. Le rapport
Gollac suit le même raisonnement et fait de l'autonomie un facteur inversement
corrélé avec l'apparition de risques psychosociaux125. Dans ce rapport, « l'autonomie au travail désigne la possibilité pour le travailleur d'être acteur dans son travail, dans sa participation à la production de richesses et dans la conduite de sa vie
professionnelle. Comme la " latitude décisionnelle " du questionnaire de Karasek,
elle inclut non seulement les marges de manœuvre, mais aussi la participation aux
décisions ainsi que l'utilisation et le développement des compétences. La notion
d'autonomie comprend l'idée de se développer au travail et d'y prendre du plaisir »126. Il en résulte qu'« une autonomie ou latitude décisionnelle insuffisante doit
être considérée comme un facteur de risque ». L'autonomie dans la réalisation de
la tâche, la prévisibilité du travail et la possibilité pour le salarié d'anticiper les
changements, l'utilisation et l'accroissement des compétences ou encore une réduction de la monotonie des tâches seraient de nature à limiter la réalisation de risques
psychosociaux127. S'agissant des risques physiques, l'autonomie peut également
constituer un moyen de prévenir la pénibilité au travail, soit directement en laissant les travailleurs mettre en œuvre des stratégies d'évitement pour réaliser les
tâches les plus pénibles, soit indirectement en leur permettant de développer des
compétences permettant l'accès à des emplois moins pénibles128.
432. L'autonomie pour s'adapter à la situation de travail. L'autonomie est
nécessaire pour les salariés, en raison de l'écart entre le travail prescrit et le travail
réel, qui suppose que « la manière de travailler n'est jamais totalement imposée de
l'extérieur par l'ensemble des contraintes qui pèsent sur l'action ; tout au contraire,
les opérateurs sont dans l'obligation permanente de réajuster leur façon de travailler en fonction des fluctuations de la tâche à exécuter, mais aussi de leurs propres
variations pour obtenir le résultat »129. Cette nécessité apparaît par exemple
lorsqu'il s'agit d'accomplir des prestations de service dans un environnement de
travail flexible marqué par une variabilité des demandes. Si les procédures de travail sont trop rigides, le travailleur ne dispose pas de l'autonomie suffisante pour
mettre en place les stratégies d'adaptation nécessaires130. Selon MM. Michel Gollac, sociologue du travail, et Yves Clot, « l'organisation apprenante » serait la plus
124. R. Karasek, Ibid. Ce modèle fut par la suite complété pour intégrer une troisième variable,
le soutien social : v. R. Karasek & T. Theorell, Healthy Work. Stress, productivity, and the reconstruction
of the working life, New York, Basic Books, 1990.
125. M. Gollac (dir.), Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser,
Rapport du Collège d'expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail, faisant suite à la
demande du Ministre du travail, de l'emploi et de la santé, 2011.
126. M. Gollac (dir.), Ibid., p. 15.
127. M.  Gollac (dir.), Ibid., pp.  115 et s. ; sur la question de l'enrichissement des tâches, v.  la
théorie bi-factorielle développée par Frederick Herzberg : F. Herzberg, B. Mausner & B. B. Snyderman,
The Motivation to Work, New York, John Wiley and sons, 1959.
128. Le compte professionnel de prévention permet en ce sens aux salariés de bénéficier d'heures
de formation lorsqu'ils ont été exposés à des travaux pénibles.
129. G. de Terssac, Autonomie dans le travail, Paris, PUF, 1992, p. 263.
130. P.‑S. Fournier, S. Montreuil & J. Villa, « Contribution à un modèle explicatif de la charge de
travail : le cas du service à la clientèle », Relations industrielles/Industrial Relations, vol. 68, n° 1, 2013,
p. 46.

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