Bibliothèque de droit social - Tome 79 - La charge de travail - 38

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LA CHARGE DE TRAVAIL

26.  Charge physique et charge mentale. La charge de travail a d'abord été
envisagée alternativement selon l'une de ses dimensions : la charge physique ou la
charge mentale. Dans le premier cas, de nombreuses études ont été menées pour
déterminer des seuils d'acceptabilité du travail, pour comprendre quelles limites le
corps humain pouvait supporter sans que cela ne fût préjudiciable pour la santé
et la sécurité des travailleurs127. On retrouve cette idée d'une charge physique sous
les traits des seuils applicables en matière de pénibilité au travail. Selon le Code du
travail, un travail est considéré comme pénible et le travailleur doit recevoir certaines contreparties lorsqu'il est exposé à une surcharge physique objectivée par
le dépassement de ces seuils128. Ensuite, les études se sont écartées de la dimension
physique de la charge de travail pour se concentrer sur la notion de charge mentale. L'objectif, similaire, était de trouver les limites cognitives qui ne pouvaient
être dépassées sans incidence sur la performance et la santé mentale des travailleurs129. De ce point de vue, le droit français ne tient pas compte de la pénibilité
mentale du travail et les réformes récentes en la matière ne permettent pas de
l'envisager dans un avenir proche130. Cette charge mentale est étudiée par les chercheurs à travers les ressources cognitives qu'un individu doit mobiliser pour réaliser une tâche131. Pour certains auteurs, la charge mentale est une « construction
multidimensionnelle qui reflète l'interaction d'éléments tels que les demandes
d'une tâche ou d'un système, les capacités de traitement de l'information et l'effort de l'opérateur, les critères de performance subjective, le comportement et les
stratégies mises en œuvre par l'opérateur dans le traitement de l'information, et
enfin, la formation et l'expérience de l'opérateur »132. Pour d'autres, elle désigne le
niveau d'effort mental requis pour la réalisation d'une tâche par un individu
donné ; elle dépend alors de l'effort mais aussi de caractéristiques individuelles133.
de travail : étude des conditions de travail dans un atelier de confection, Paris, CNAM, 1973 ; B. Tort,
Bilan de l'apport de la recherche scientifique à l'amélioration des conditions de travail, Paris, CNAM,
1974.
127. V. par exemple, N.  Krause, T.  Scherzer & R.  Rugulies, « Physical Workload, Work
Intensification and Prevalence of Pain in Low Wage Workers : Results from a Participatory Research
Project with Hotel Room Cleaners in Las Vegas », American Journal of Industrial Medicine  2005,
vol.  48, n°  5, p.  326 ; E.  Haukka, A.  Ojajarvi, E.-P.  Takala, E.  Viikari-Juntara & P.  Leino-Arjas,
« Physical workload, leisure-time physical activity, obesity and smoking as predictors of multisite
musculoskeletal pain. A 2‑year prospective study of kitchen workers », Occup. Environ. Med. 2012,
vol. 69, n° 7, p. 485.
128. V. infra, nos 275 et s.
129. H.  C.  Morris & K.  Y.  Leung, « Pilot Mental Workload : How Well Do Pilots Really
Perform ? », Ergonomics  2006, vol.  49, n°  15, p.  1581 ; M.  Jourdan & J.  Theureau (dir.), Charge
mentale : notion floue et vrai problème, Toulouse, Octarès, 2002.
130. B. Lardy-Pélissier, « La pénibilité : au-delà de l'immédiat et du quantifiable », RDT 2011,
p. 160.
131. J. Leplat, « Les facteurs déterminant la charge de travail. Rapport introductif », Le Travail
Humain 1977 vol. 40, n° 2, p. 195 ; J. Leplat & J. Pailhous, « The Analysis and Evaluation of Mental
Work », in W. T. Singleton, J. G. Fox & D. Whitield (dir.), Measurement of Man at Work, London,
Taylor & Francis, 1969, pp. 51‑56.
132. N. Meshkati, « Toward development of a cohesive model of workload », in P. A. Hancock
& N.  Meshkati, Human Mental Workload, New York, Elsevier, 1988, pp.  305-314, spéc.  p.  305 :
« mental workload [is] a multidimensional construct that reflects the interaction of such elements as task
and system demands, operator processing capabilities and effort, subjective performance criteria,
operator information processing behavior and strategies, and finally, operator training and prior
experience », traduction libre.
133. 
A.  Tricot & L.  Chanquoy, « 
La charge mentale, " vertu dormitive " ou concept
opérationnel ? », Psychologie Française 1996, vol. 41, n° 4, p. 313.

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