Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 115

Ch a p i tre 3 - Le r égime d e s pac t e s e n t r e a s s ociés
associés de la société cible ne suffit pas à conférer au pacte un terme extinctif. Ces deux
affirmations résultent d'un arrêt - non publié - rendu en 2007126
.D'une part, la Cour de
cassation approuve les juges du fond d'avoir considéré que l'article du pacte prévoyant
que « les dispositions du présent pacte s'appliqueront aussi longtemps que (les signataires)
ou leurs substitués demeureront ensemble actionnaires » de la société ne suffit
pas à conférer au pacte une durée déterminée, dès lors que « la perte, par l'un ou
l'autre des contractants, de la qualité d'actionnaire ne présente aucun caractère de certitude,
quand bien même l'un ou l'autre peut-il à tout moment céder ses actions ». Il est
vrai que la perte de la qualité d'associé de la société cible ne peut juridiquement constituer
un terme dans la mesure où il ne s'agit pas d'un événement futur dont la survenance
est certaine, à moins que le pacte ne prévoie l'obligation pour les parties de céder leur
participation à une certaine date. D'autre part, elle valide l'analyse de la cour d'appel
qui avait estimé que « la SNCM et la CGTH se bornent à invoquer la fin de la société,
dont la durée est au maximum de quatre-vingt-dix-neuf ans, sans préciser s'il s'agit de
la fin de la société dans laquelle elles sont actionnaires ou de la leur». Quant à la référence
à la durée de la société, elle n'était même pas explicitement mentionnée dans le
pacte. La Cour refuse ici de considérer qu'elle s'analyse en une limite implicite constituant
nécessairement le terme d'un pacte extrastatutaire. On peut cependant se
demander si un renvoi explicite à la durée de la société dans le pacte aurait été admis.
120 Renvoi explicite à la durée de la société. - Au-delà de la condamnation des pactes
dont la durée est liée à la détention des actions par les signataires, on peut se demander
s'il est possible de calquer la durée du pacte sur celle de la société dont il est l'objet.
L'arrêt de 2007 ne semble pas exclure explicitement cette possibilité, mais la Cour de
cassation ne s'est jamais prononcée et les juges du fond ne sont pas unanimes sur cette
question. Un arrêt de la cour d'appel de Lyon a ainsi considéré que devait être analysé
comme une convention à durée indéterminée avec faculté de résiliation à tout moment
le pacte dont la durée était limitée par la radiation de la société du RCS ou la perte de
la qualité d'associé des membres du groupe majoritaire127
. En revanche, la cour d'appel
de Paris a récemment considéré qu'un pacte extrastatutaire qui comportait une clause de
durée renvoyant directement à la durée de la société comportait bien un terme explicite
et constituait donc un contrat à durée déterminée, qui devait être exécuté jusqu'à son
terme par les parties128
.
Même si l'on considère que le renvoi à la durée de la société constitue bien un terme
pour le pacte extrastatutaire, encore faut-il que cette durée ne soit pas considérée
comme excessive au regard de la prohibition des engagements perpétuels. Or on peut se
demander si une durée de 99 ans, acceptable pour des statuts dans la mesure où elle est
prévue par la loi à leur égard, l'est également pour un pacte extrastatutaire. Ce n'est pas
certain, la Cour de cassation ayant déjà jugé à propos d'autres contrats qu'une durée
assise sur la durée de vie d'une société égale à 99 ans était excessive129
. Certes, la cour
d'appel de Paris, dans ce même arrêt du 15 décembre 2020, a affirmé qu'« il y a lieu de
(126) Cass. com., 6 nov. 2007, nº 07-10620 ; Rev. sociétés 2008, p. 89, note J. Moury ; D. 2008, p. 1024, note
B. Dondero ; Bull. Joly Sociétés2008, p. 125, note X. Vamparys ; Dr. sociétés 2008, comm. 10, obs. H. Hovasse ;
JCP E 2008, II, 1829, note A. Constantin et I, 1280, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker ; RTDciv. 2008,
p. 104, obs. B. Fages. L'arrêt rejetait un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Paris : CA Paris, 3e
ch.
B, 15 déc. 2006, nº 06/18133, SA CMP c/SAS CGTH ; RTD com. 2007, p. 169, obs. P. Le Cannu ; Bull. Joly
Sociétés2007, p. 479, note F.-X. Lucas.
(127) CA Lyon, 3e
ch. A, 2 mars 2017, nº 11/04726, AJ Contrat2017, p. 239, obs. M. de Ravel d'Esclapon.
(128) CA Paris, ch. com., 15 déc. 2020, nº 20/00220, Sté Kering c/Sté Analytic Project ; Rev. sociétés 2021, p. 305,
note J. Heinich.
(129) À propos d'un contrat entre un médecin et une société exploitant une clinique, conclu pour la durée de la société
(qui correspondait à la durée légale de 99 ans à défaut de précision statutaire), qualifié d'engagement perpétuel à
l'égard du médecin : Cass. 1re
civ., 19 mars 2002, nº 99-21209 ; JCP2003, I, 122, note A. Constantin ;
RTDciv. 2002, p. 510, obs. J. Mestre et B. Fages. V. ég., à propos d'un bail consenti à une société jusqu'à la dissolution
de celle-ci, dont la durée était fixée à 99 ans, avec faculté de prorogation ou de dissolution par anticipation :
Cass. 3e
J. Derrupé.
115
civ., 27 mai 1998, nº 96-15774, Bull. civ. III, nº 1110 ; RD imm. 1998, p. 424, obs. F. Collart-Dutilleul et
http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=99-21209 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=99-21209 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=96-15774
Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re

Table des matières de la publication Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re
