Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 178

LES PACTES D'AFFAIRES
Dépasser la rigidité du contrat unique : tel est le premier avantage du contrat cadre. Ce
n'est pas dire qu'une relation d'affaires ne puisse être correctement construite à partir
d'un contrat unique. L'article L. 441-3 du Code de commerce précise par exemple, au
sujet de la formalisation des relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs,
que la convention des parties est établie « soit dans un document unique, soit dans un
ensemble formé par un contrat cadre et des contrats d'application ». Mais l'option du
contrat unique suppose que tous les éléments du courant d'affaires soient d'ores et déjà
déterminables, ce qui n'est pas toujours le cas lorsque la relation prétend s'inscrire dans
la durée.
Dépasser la précarité d'une juxtaposition de contrats ponctuels et indépendants : tel est
le second avantage du contrat cadre. Certes, l'affirmation pourrait être discutée à la
lumière du droit contemporain, et notamment des dispositions de l'article L. 442-1, II,
du Code de commerce, qui érigent en cause de responsabilité le fait de rompre brutalement
une relation commerciale établie20
. En particulier, l'on sait que la jurisprudence
. Deux nuances,
admet qu'« une succession de contrats ponctuels peut suffire à caractériser une relation
commerciale établie si ces contrats portent sur un même objet»21
cependant. D'abord, le droit des ruptures brutales n'offre pas la même sécurité qu'un
contrat. Outre cette évidence qu'il est toujours plus compliqué de naviguer à vue
qu'avec un plan de route, il convient de rappeler que l'article L. 442-1 du Code de
commerce n'interdit pas toute rupture mais seulement les ruptures sans préavis
suffisant. Ensuite, on observe qu'en pratique, la relation commerciale établie se nourrit,
souvent, de l'existence d'un contrat cadre. À tel enseigne, d'ailleurs, que la Cour de
cassation avait un temps refusé de considérer qu'une succession de marchés pouvait,
en l'absence de contrat cadre, constituer une relation commerciale établie22
.
Aujourd'hui, c'est la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui ne
semble pas très éloignée de cette idée : pour l'application des règles européennes de
compétence juridictionnelle, la Cour invite, en effet, les juges nationaux à rechercher s'il
existe une « relation contractuelle tacite », une notion autonome dont on se demande si
elle n'est pas l'avatar du contrat cadre français23
...
(20) V. notamment F. BUY,« L'article L. 442-1, II, du Code de commerce », in Lamy droit du contrat, spéc. nº 2620 et s.
(21) Cass. com., 6 sept. 2016, nº 15-15086.
(22) Cass. com., 16 déc. 2008, nº 07-15589, Bull. civ. IV, nº 207 ; Contrats, conc., consom. 2009, comm. 73, obs.
N. Mathey.
(23) V. infra.
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