Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 18

LES PACTES D'AFFAIRES
à propos de la nullité du contrat de société, que les manœuvres doivent émaner de
l'ensemble des associés ou de leur représentant9
, il est permis de douter d'une telle solution.
En effet, que le dol émane d'un seul ou de tous les associés, il vicie de la même
façon le consentement de l'associé induit en erreur. Par ailleurs, au regard des textes et
notamment de l'article 1137 du Code civil qui dispose que « le dol est le fait pour un
contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges »,
il serait bien délicat de justifier une telle restriction dans l'admission du dol.
Au regard du contentieux, il semblerait que bien plus souvent le dol résulte d'une réticence
dolosive. Ainsi, la conclusion d'un pacte peut être viciée par la réticence de l'un
des signataires qui a dissimulé la conclusion d'un protocole d'accord avec un autre
groupe d'actionnaires, ce qui rendait le pacte moins avantageux et privait son cocontractant
de la possibilité d'exercer son droit de retrait10
à la fois à réaliser un apport en numéraire dans le contrat de société et à prêter de
l'argent à cette dernière via un compte-courant d'associé dans un pacte d'associés
adjoint, ces deux pactes sont nuls pour réticence dolosive si l'un des associés fondateurs
et signataires du pacte adjoint a dissimulé son intention de démarcher également à titre
personnel la clientèle de son ancien employeur11
. Dans cette dernière hypothèse, il faut
remarquer que la nullité du pacte statutaire comme du pacte extrastatutaire a été
admise alors même que l'ensemble des autres signataires ne s'étaient pas rendus coupables
de cette réticence dolosive. Il ne devrait donc guère pouvoir en aller différemment en
cas de manœuvres. Quoi qu'il en soit et plus généralement, dans le contexte d'un pacte
entre associés, il faut être particulièrement vigilant, lorsque celui-ci est conclu entre les
associés et que l'un d'entre eux est le dirigeant social. En effet, comme celui-ci est tenu
d'une obligation de loyauté à l'endroit de ses associés, il est vraisemblablement tenu à
leur égard d'une obligation d'information renforcée12
pour ne pas dire de transparence.
Enfin, le dernier vice du consentement qui peut être invoqué est celui de violence.
Lorsque celui-ci revêt la forme traditionnelle d'une contrainte sous la pression de laquelle
un contractant s'est engagé, il n'y a rien à dire qui soit propre aux pactes. En revanche,
lorsque la violence résulte, en vertu du nouvel article 1143 du Code civil, de l'abus par
une partie de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard,
il y a lieu d'être plus vigilant, puisqu'un pacte peut se nouer entre des parties aux puissances
économiques inégales. Toutefois, des minoritaires sont-ils fréquemment dans un
état de dépendance économique à l'égard des majoritaires ? Cela n'a rien d'évident, sauf
à ce que les minoritaires n'aient d'autres ressources que les dividendes versés et que les
majoritaires exercent une forme de chantage à la distribution pour les contraindre à
signer un pacte extrastatutaire défavorable. Une autre situation sensible pourrait être
celle d'un pacte conclu avec un salarié13
, que le groupe majoritaire souhaite intéresser
au capital en le faisant devenir associé. Mais, dans tous les cas, la caractérisation d'un
état de dépendance ne suffit pas, fort heureusement, à affecter la validité du contrat.
Encore faut-il que la partie dont l'autre dépend ait abusé de cet état. Cependant,
comme le Rapport au président de la République sur l'ordonnance du 10 février 2016
l'indique, cet abus a été objectivé14
(9) V. not. M. GERMAIN et V. MAGNIER, Les sociétés commerciales,20e
(10) Cass. com., 1er
juill. 2003, nº 99-18590, inédit.
(11) Cass. com., 23 mai 2006, nº 05-11503, inédit.
(12) V. not. à propos des négociations déjà en cours avec des tiers Cass. com., 27 févr. 1996, nº 94-11241, PBR, Arrêt
Vilgrain ; Defrénois 1996. 1205, note Y. Dagorne-Labbe ; D. 1996. somm. 342, obs. J.-C. HALLOUIN ; JCP1996, II,
22665, note J. Ghestin ; D. 1996, p. 518 et s., note P. Malaurie ; LPA, 17 févr. 1997, note D. R. Martin ;
RTDciv. 1997, p. 114 et s., obs. J. Mestre.
(13) E. LAMAZEROLLES, « Quelques idées reçues sur les pactes d'associés », JCP E 2019, 1349, nº 4. ; M. MEKKI, « Les incidences
de la réforme du droit des obligations sur le droit des sociétés : rupture ou continuité ? Le contrat », Rev.
sociétés 2016, p. 483 et s., nº 27.
(14) Une telle objectivisation conduit sans doute à ne pas exiger un élément intentionnel, soit que « le partenaire avait
conscience de la situation et qu'il en a profité pour forcer le consentement»(contra S. SCHILLER et D. MARTIN, Guide
des pactes d'actionnaires et d'associés, préf. M. Germain, LexisNexis, 2019, nº 89).
18
éd., 2011, nº 1056-36, p. 28.
. De même, lorsqu'un associé s'engage
. Ainsi, il n'existe un abus au sens de l'article 1143

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