Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 181

Cha p i t r e 2 - Rég ime
prix est encourue. Ce faisant, le législateur répudie en partie la jurisprudence de 1995
(qui admet que le prix puisse être fixé par l'une des parties, sans forcément exiger que
cette faculté soit prévue par une clause) et opère un retour à la jurisprudence Alcatel12
.
Mais, si le droit des contrats cadre se rigidifie, il faut savoir que c'est aussi le cas du
droit des contrats en son entier, puisque l'article 1163, auquel l'article 1164 fait
exception, précise de son côté que la « prestation » (y compris le prix) doit être
« déterminée ou déterminable » (sans qu'une clause de fixation unilatérale puisse être
considérée comme suffisante)13
. La réforme de 2016 remet ainsi en cause la solution,
. Les rédacteurs de contrats devront en tirer toutes les
acquise sous l'empire du droit antérieur, selon laquelle le prix n'avait pas à être
déterminé « en toute matière »14
conséquences : si les parties entendent fixer unilatéralement le prix, leur choix devra se
porter sur le contrat cadre, à l'exclusion de toute autre formule, et notamment de celle
du simple contrat à exécution successive (sauf à ce que ce dernier puisse être qualifié
de contrat de prestation de service au sens de l'article 1165, qui est le siège d'une
autre exception)15
.
Deuxième observation : l'article 1164 innove en mettant à la charge de celui qui fixe
unilatéralement le prix le devoir « d'en motiver le montant en cas de contestation ». On
comprend qu'il s'agit, pour le titulaire de la prérogative, de désamorcer le grief d'abus,
et une présomption d'abus pourrait bien peser sur celui qui ne satisfait pas à ce
devoir16
. Cette tâche sera parfois délicate. Il serait excessif, toutefois, d'attendre du
maître du prix qu'il justifie de l'existence d'un prix équilibré17
. On remarque également
que le devoir de motivation n'est pas imposé ex ante, mais ex post dans l'hypothèse
d'une contestation. Il était utile de rappeler que le partenaire a la possibilité de contester
la fixation unilatérale : le texte confirme en creux, si besoin était, que le contrat d'application
n'est pas juridiquement conclu tant que les deux parties ne sont pas d'accord sur
ses éléments. Simplement, le refus de contracter aux conditions du maître du prix devrait
être considéré comme fautif s'il n'était pas justifié par l'abus18
.
Troisième observation : l'article 1164 rappelle que l'abus dans la fixation du prix peut
être sanctionné par des dommages et intérêts et le cas échéant par la résolution du
contrat. À cet égard, rien ne change par rapport au droit antérieur : l'abus, qui n'est
toujours pas défini, ne procède que de la fixation du prix, et non de son niveau19
. Et les
sanctions de l'abus, qui n'incluent pas la faculté pour le juge de fixer lui-même le prix,
sont toujours les mêmes. On rappellera ici que, dans le vocabulaire nouveau du législateur,
la « résolution » prend le nom de « résiliation » lorsque les prestations échangées
trouvent leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque (et non par la seule
exécution complète : C. civ., art. 1229, al. 3). L'abus peut donc être sanctionné, pour
autant que les conditions d'un anéantissement soient remplies, par une résiliation non
rétroactive du contrat cadre20
.
(12) F. TERRÉ,P. SIMLER,Y. LEQUETTE et F. CHÉNEDÉ, op. cit., nº 386.
(13) Cette interprétation est retenue par une doctrine majoritaire : v. not. O. DESHAYES,T. GENICON et Y.-M. LAITHIER, op. cit.,
p. 309 et s. ; B. FAGES (dir.), Lamy droit du contrat, 2020, nº 1064 ; F. TERRÉ,P. SIMLER,Y. LEQUETTE et F. CHÉNEDÉ,
op. cit., nº 376 et s. Contra, cependant, J. MOURY, « Retour sur le prix : le champ de l'article 1163, alinéa 2, du Code
civil », D. 2017, p. 1209.
(14) Cass. 1re
civ., 12 mai 2004, nº 03-13847, RDC2004, p. 925, obs. D. Mazeaud.
(15) G. CHANTEPIE et M. LATINA, op. cit., nº 418.
(16) En ce sens, O. DESHAYES,T. GENICON et Y.-M. LAITHIER, op. cit., p. 313.
(17) Idem.
(18) P. PUIG, op. cit., nº 170.
(19) L'affirmation est toute relative quand on sait qu'un « contrôle judiciaire du prix » est par ailleurs possible sur le
fondement de l'article L. 442-1, I, 1º ou 2º du Code de commerce (Cass. com., 25 janv. 2017, nº 15-23547, PB ;
D. 2017, p. 481, note F. Buy ; Contrats, conc., consom. 2017, comm. 77, obs. N. Mathey ; Gaz. Pal. 2017, nº 15,
p. 37, obs. D. Houtcieff - Cons. const., 30 nov. 2018, nº 2018-749 QPC, AJ Contrat2019, p. 29, note F. Buy).
(20) La question est, en réalité, assez complexe car le scénario peut varier en fonction de la date d'effet de la résiliation
(v. not., avant la réforme, C. JAMIN, « La détermination du prix : les apports au droit des contrats cadre »,
RTDcom. 1997, p. 19). Rappelons que, selon l'article 1229, alinéa 3, du Code civil, celle-ci prend effet à la date
fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation (ou bien encore à la date de la réception par le débiteur de
la notification faite par le créancier, si l'on admet que la résolution extrajudiciaire est également possible). Premier
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