Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 213

Cha p i t r e 1 - L e s pact es d e n o n - agr es s i on
235 Acceptation limitée dans le temps. - Dans sa communication, la Commission a surtout
insisté sur le caractère temporaire et exceptionnel du relâchement des règles de concurrence
pour certains accords. Aussi, ne s'agit-il que d'une permissivité limitée dans le
temps89
. Bien qu'elle ne l'affirme pas, il semble que le cadre fixé sera valable jusqu'à
ce que les effets de la crise sanitaire aient disparu. Relevons également que la Commission
a réveillé un vieil outil supprimé par l'entrée en vigueur du règlement nº 1/2003 : les
lettres de confort. En effet, le document explique qu'« afin d'accroître le degré de sécurité
juridique entourant les orientations en matière de pratiques anticoncurrentielles dans
un délai compatible avec l'urgence de certaines situations liées à la pandémie actuelle
de Covid-19, la Commission, par l'intermédiaire de sa direction générale de la concurrence,
se tient prête, à titre exceptionnel et si elle le juge opportun, à fournir ces orientations
au moyen de lettre administrative de " compatibilité " spécialement prévue à cet
effet»90
. Pour faciliter la délivrance de ces lettres de compatibilité, elle a notamment
créé une boîte mail spécifique pouvant être utilisée pour obtenir des orientations
informelles. L'Autorité de la concurrence, avec d'autres autorités nationales, s'est aussi
dotée d'un tel dispositif, lequel semble être apprécié par les entreprises91
. En somme, il
faut comprendre que le contexte pandémique pourra être interprété comme un fait
justificatif du pacte, alors même que ce dernier est habituellement considéré comme
anticoncurrentielle92
. Toujours est-il que, même si la santé
. Aussi, voit-on poindre le motif de santé comme une exception à
l'application du droit de la concurrence. Reste à savoir si cette pratique décisionnelle
n'est que conjoncturelle ou si, au contraire, assistons-nous subrepticement à une
évolution des principes en matière d'exemption93
apparaît sans aucun doute comme un puissant neutralisateur des règles de concurrence,
ce n'est pas à dire que tous les pactes de non-agression sont forcément protégés. En
pratique, beaucoup de pactes ne devraient pas bénéficier des dérogations permises par
le contexte pandémique.
236 Maintien de la prohibition pour certains pactes. - En effet, malgré la crise sanitaire, le
bâton de la répression n'a pas été abandonné par les autorités de concurrence. Pour ces
dernières, le Covid-19 n'excuse pas tout. Les pactes conduisant à aggraver la situation
des consommateurs ne sont guère tolérés. Ils sont même fermement prohibés. Aussi, les
autorités ont-elles décidé de déployer des efforts supplémentaires pour partir à la chasse
àl'entente. L'Autorité de la concurrence a par exemple invité toute personne (entreprise
ou consommateur) ayant connaissance d'une pratique anticoncurrentielle à utiliser une
adresse mail spécifique pour la signaler. En étant proactive, l'Autorité souhaite dissuader
les entreprises tentées notamment de profiter de la crise pour s'entendre sur les prix.
faciles à administrer présenteraient pour la santé publique et, partant, pour les consommateurs ». V. Comm. eur.,
6 oct. 1994, aff. IV/34.776, Pasteur Mérieux-Merck, § 89, JOCE nº L 309, 2 déc. 1994.
(89) À cet égard, l'OCDE nous indique que cette limitation dans le temps n'est pas une spécificité européenne : « De
nombreuses autorités de concurrence (par exemple le Canada, Hong Kong, l'Espagne, le Royaume-Uni) ont également
souligné que toute coopération doit être strictement limitée dans le temps, et ne dure généralement que
jusqu'à ce que les circonstances exceptionnelles de la crise dans le secteur concerné se résorbent. Cette durée sera
généralement liée aux perturbations à court terme découlant de la crise, par exemple pour rétablir les chaînes de
production et d'approvisionnement ou jusqu'à ce que l'objectif de la coopération innovante soit atteint» (traduction
libre). V. OECD, Co-operation between competitors in the time of Covid-19, 28 mai 2020, pp. 7-8 : « Many competition
authorities (e.g. Canada, 19Hong Kong, 20Spain, 21 UK22) have also highlighted that any co-operation must
be strictly limited in time, and usually last only until the exceptional circumstances of the crisis in the specific
sector will subside. This will be typically linked to the short-term disruptions deriving from the crisis, for instance,
in order to re-establish production and supply chains or until the objective of the innovative co-operation is
achieved».
(90) Comm. eur., Communication de la Commission -Cadre temporaire pour l'appréciation des pratiques anticoncurrentielles
dans les coopérations mises en place entre des entreprises pour réagir aux situations d'urgence découlant de
la pandémie actuelle de Covid-19, précit., § 18.
(91) Récemment, dans une affaire qui ne concernait pas directement un pacte de non-agression, l'Autorité a répondu
favorablement à une demande d'examen de la conformité d'une pratique potentiellement litigieuse. V. Aut. conc.,
L'Autorité éclaire une association professionnelle sur ses possibilités d'action concernant les loyers de ses adhérents
dans le cadre de la pandémie actuelle de Covid-19, communiqué, 22 avr. 2020.
(92) Pour des exemples concrets : v. L. BETTONI,« L'application du droit des pratiques anticoncurrentielles dans le
contexte de pandémie de Covid-19 », art. précit.
(93) V. F. MARTUCCI, « La politique de concurrence face à la crise de la Covid-19 : " faire vivre et ne plus laisser mourir " »,
art. précit., qui s'interroge dans les mêmes termes.
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