Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 256

LES PACTES D'AFFAIRES
s'agit d'en changer, les enfants, qu'ils soient majeurs ou mineurs, n'ont - du moins depuis
les réformes récentes - que très peu leur mot à dire3
.C'est la raison pour laquelle, on peut
probablement écarter de la notion de « pacte de famille », tous les « pactes conjugaux » :
les contrats de mariage, les pactes civils de solidarité (et ce en dépit de l'usage même du
mot « pacte »), ou encore les conventions de concubinage. D'ailleurs, un couple constituet-il
vraiment une famille ? Vaste question qui reçoit des réponses variées en sociologie4
.
Ainsi, c'est moins du côté du droit des régimes matrimoniaux (ou plus largement du droit
patrimonial des couples), que du côté du droit des libéralités et des successions qu'il faut
rechercher de tels pactes, dotés d'une dimension véritablement familiale.
296 Pactes familiaux et stratégies patrimoniales. - Par pactes de famille, on ne souhaite
pas ici faire référence à tous les contrats qui interviennent dans la sphère familiale,
mais - en assumant le parti pris et aussi les limites de ce postulat - on cherche plutôt à
envisager les pactes qui, au sein des familles, se forment entre plusieurs de ses membres
(voire tous). D'ailleurs, c'est peut-être un premier élément de distinction du contrat (qui
unit au moins deux personnes) par rapport au pacte (qui a vocation à rassembler plus
largement, surtout lorsqu'il se développe dans un contexte familial). Dès lors, il semble
qu'il faille se concentrer sur les contrats qui font intervenir plusieurs membres d'une
même famille pour élaborer une stratégie patrimoniale et sceller entre eux un pacte
successoral. En cette matière, ceux-ci ont vocation à assurer une transmission anticipée
et concertée du patrimoine et, ce faisant, ils participent de la pacification des relations
familiales. À la réflexion, il n'y a peut-être rien de très surprenant à trouver ce qui peut
être regardé comme des « pactes (ou traités) de paix », dans un environnement où les
« conflits familiaux » ne sont pas rares (on hésite à parler de « guerres », même si la
culture de la vendetta n'a pas totalement disparu entre certains clans familiaux !). Sans
doute, est-ce là ce qui explique que la famille constitue, depuis longtemps, le terrain
privilégié du développement des médiations familiales5
récentes, des thérapies familiales6
et aussi, quoiqu'elles soient plus
.
297 Pactes « prohibés », « nommés » et « innommés ». - Chercher à sonder ces « pactes de
famille », c'est nécessairement prendre la mesure des contraintes et des libertés qui
s'exercent en la matière (chapitre 1). Ce sont elles qui délimitent l'espace offert aux
pactes successoraux élaborés dans la sphère familiale car, si un certain nombre furent
longtemps « prohibés », la tendance est depuis quelques années à une plus grande
liberté d'agir et à une contractualisation du droit de la famille7
.C'est peu dire que sous
l'effet des réformes successives, les pactes de famille se sont multipliés en même temps
qu'ils prenaient plus d'ampleur. À des pactes « nommés », expressément autorisés et
réglementés par le législateur (chapitre 2), s'ajoutent des pactes que l'on peut qualifier
«d'innomés », résultant d'une création de la pratique qui les utilise abondamment et
depuis très longtemps (chapitre 3). D'ailleurs, ce sont souvent ces pratiques - la plupart
du temps à l'initiative des notaires8
mais pas exclusivement - qui ont encouragé une
intervention du législateur pour les consacrer, et du même coup, les encadrer.
(3) Les enfants majeurs n'ont qu'un droit d'opposition (mais pour combien de temps encore ?) et, en présence
d'enfants mineurs, l'homologation n'est désormais plus systématique ; leur protection étant renvoyée à l'exercice
d'un pouvoir d'alerte du notaire : S. TORRICELLI-CHRIFI, « Réforme de la procédure de changement de régime matrimonial
», Dr. famille2019, étude 13 ; P. HILT, « Un pas de plus vers la libre mutabilité des conventions
matrimoniales », AJfam. 2019, p. 256 ; A. TANI, « La nouvelle procédure de mutation du régime matrimonial »,
JCPN 2019, nº 14, 1159.
(4) I. THÉRY, Couple, filiation et parenté aujourd'hui. Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, Odile
Jacob/Doc. fr., 1998.
(5) V. récemment le riche dossier sur « L'amiable » : Dr. famille2020, étude 1 à 6.
(6) B. TAILLEBOT,O. CLÉMENT,S. BONFILS,P. DESBORDES et F. JULLEMIER-MILLASSEAU, « Au-delà de la médiation : la thérapie
familiale », Dr. famille 2020, étude 5.
(7) S. TORRICELLI-CHRIFI, « La pertinence du contrat en droit de la famille », in Le contrat dans tous ses états, PUSS,
2019, p. 161 ; S. MORACCHINI-ZEIDENBERG, « La contractualisation du droit de la famille », RTDciv. 2016, p. 773 ;
É. LENOIR-WAYMEL et M. LIVOIR (coord.), Contrats et famille font-ils bon ménage?, Larcier, coll. Contrats & Patrimoine,
2016 ; D. FENOUILLET et P. de VAREILLES-SOMMIÈRES (dir.), La contractualisation de la famille, Economica, 2001.
(8) S. TORRICELLI-CHRIFI, La pratique notariale, source du droit, Defrénois, coll. Doctorat & Notariat, 2015, t. 55.
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