Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 291

Cha p i t r e 3 - L e s pac t e s i nnomés
dividendes est bien supérieure à sa participation dans le capital42
à disposition d'un associé certains biens, en particulier un logement43
. Elle peut enfin mettre
.
Comme énoncé dans les précédents développements, la liberté pour concevoir ces pactes
n'est pas absolue44
. Dans ce typedepactes d'affaires ayant recours à des sociétés civiles à
dimension familiale, les associés ne sont pas uniquement soumis à leurs obligations sociétaires
mais ils doivent également observer leurs obligations familiales. Cette spécificité ne
doit pas être négligée lors de la création du pacte. En cas de conflits au sein de la famille,
le fonctionnement voire l'existence de la société peuvent être remis en cause45
. Le professionnel
qui conçoit le pacte ne peut dès lors se limiter à une application exclusive du droit
des sociétés ; il doit composer avec les exigences du droit des régimes matrimoniaux ou du
droit des successions et des libéralités, par exemple46
couple, la cession des parts de la société civile familiale doit notamment respecter :
- l'article 215 du Code civil visant à protéger le logement familial47
;
- l'article 1424 du Code civil régissant l'administration des biens communs48
du Code civil49
.
La société civile doit encore, lorsqu'elle intervient entre époux, respecter la procédure
d'agrément instaurée par l'article 1861 alinéa 1er
afin de protéger les intérêts
des autres associés et de la société. De la même manière, elle doit veiller à une juste
détermination du prix afin que les héritiers, l'administration fiscale voire le cédant, une
fois divorcé, ne puissent demander la requalification de l'opération en donation déguisée50
.
Dans une décision du 3 octobre 2018, rendue par la première chambre civile de la Cour
de cassation, la donation déguisée était revendiquée par l'un des époux lui-même après
son divorce51
. Pour préserver les intérêts du
.En l'espèce, des époux séparés de biens, également associés d'une société
civile immobilière, avaient voté une augmentation de capital par incorporation du compte
courant individuel de l'épouse. Quelques mois avant de procéder à l'augmentation de
capital, l'époux avait cédé ses parts à sa femme et, après son divorce, il demandait la
requalification de l'opération en libéralité. Si les juges du fond déclarent la demande irrecevable
en considérant qu'il n'existe aucun lien juridique entre la cession de parts et
l'augmentation de capital de la SCI, la première chambre civile estime au contraire qu'il
s'agit là « d'une opération globale de transferts de parts de la société civile immobilière
du patrimoine de l'époux au profit de celui de l'épouse et d'augmentation de capital»et
que les juges peuvent valablement se prononcer sur la requalification en donation
déguisée. La décision n'a rien d'étonnant et l'on ne peut qu'approuver la première
chambre civile de rattacher les deux opérations de cet habile montage sociétaire familial.
(42) Sous réserve de la prohibition des clauses léonines, C. civ., art. 1844-1.
(43) S. LACROIX-DE SOUSA et M. ROBINEAU, « La société civile immobilière et ses associés vulnérables », Rev. sociétés2017,
p. 395.
(44) V. supra nº 298.
(45) Pour une mésentente entre époux entraînant la désignation d'un administrateur provisoire : v. Cass. com., 8 nov.
2016, nº 14-21481, RJDA 2/2017, nº 85 ; pour une mésentente entraînant la dissolution de la société,
v. Cass. 3e
(46) S. LACROIX-DESOUSA, « Des limites à l'ingénierie sociétaire, l'exemple des cessions de droits sociaux par un associé
marié », Ingénierie patrimoniale 2020-2, 3.1.
(47) Cass. 1re
civ., 14 mars 2018, nº 17-16482, RTDciv. 2018, 469, obs. B. Vareille : lorsque le logement familial est
détenu par une société dont un conjoint est associé, la protection du logement familial ne joue que si l'époux non
associé invoquant l'article 215 alinéa 3 du Code civil a été autorisé explicitement à occuper le logement en vertu
d'un droit d'associé ou d'une décision prise à l'unanimité ; contra Cass. 1re
1359, obs. G. Champenois.
civ., 11 mars 1986, Defrénois 1986,
(48) J. DERRUPPÉ, « Droit des sociétés et régime de communauté », JCP1971, I, 2403 ; « Les droits sociaux acquis avec
des biens communs selon la loi du 10 juillet 1982 », Defrénois 1983, 33053.
(49) La décision d'agrément doit être adoptée à l'unanimité dans les sociétés civiles, sauf clause statutaire contraire.
(50) H.MÉAU-LAUTOUR, Les donations déguisées en droit français, préf. de P. Raynaud, LGDJ, 1985 ; I. NAJJAR, « La validité
des donations déguisées ou indirectes sous seing privé », D. 1995, chr. 115 ; H. BLAISE, « Formation de la
jurisprudence sur les donations déguisées », in Études R. Savatier, Dalloz, 1965, p. 89.
civ., 3 oct. 2018, nº 17-25626.
(51) Cass. 1re
291
civ., 16 mars 2001, nº 10-15459, D. 2011, p. 874 (exigence de paralysie du fonctionnement sociétaire) ;
F. CAPORAL, « Société et communauté entre époux », in Mélanges P. LeCannu, Dalloz-LGDJ, 2014, p. 667.

http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=17-16482 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=10-15459 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=17-16482

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