Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 95

Ch a p i tre 3 - Le r égime d e s pac t e s e n t r e a s s ociés
93 Opposabilité entre tiers ? - De manière plus originale, il est permis de se demander si la
Cour de cassation n'a pas admis qu'un tiers puisse opposer à un autre tiers un pacte
d'associés dans le contexte certes particulier du droit du19
travail. En effet, selon la
chambre sociale, « dès lors qu'un pacte d'actionnaires prévoit que le licenciement de
certains de ses salariés doit être autorisé par le conseil de surveillance à une majorité
déterminée de ses membres, les salariés concernés sont en droit de se prévaloir de cette
clause, dont le non-respect rend leur licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Ce20
faisant, les Hauts magistrats admettent qu'un salarié, tiers au pacte, puisse se prévaloir
de la violation de celui-ci à l'encontre de la société, tiers au pacte. Deux observations sur
cette jurisprudence. Premièrement, si le pacte d'associés est statutaire, la solution peut
se justifier par la seule opposabilité à la société de ses propres statuts. Deuxièmement, si
le pacte est extrastatutaire, la solution peut également se comprendre si celui-ci a
recueilli le consentement unanime des associés21
ou si la société est partie au pacte. En
signé.
revanche, il est bien difficile de justifier le fait que le pacte soit opposable voire lie la
société, lorsque celle-ci ainsi que l'unanimité de ses associés ne l'ont pas22
94 Circulation du pacte. - En vertu du principe de l'effet relatif, seules les parties à
contrat sont liées par celui-ci. Ce principe est toutefois celui d'un instant, celui de la
formation du contrat, car rien n'interdit aux effets d'un contrat de circuler ultérieurement
et à des tiers à la formation du pacte de devenir des parties à son exécution. Si cette
circulation ne pose guère de difficultés quand le pacte est statutaire, puisque le pacte
est alors nécessairement transmis avec les parts ou actions quel que soit le type de transfert
en cause, il en va différemment quand le pacte est extrastatutaire. Dans ce cas, il
convient de distinguer selon que le transfert des parts ou actions des associés signataires
a lieu à titre universel ou à titre particulier.
S'il s'agit d'un transfert à titre universel, les solutions diffèrent selon que le signataire du
pacte est une personne physique ou une personne morale.
Si le signataire est une personne physique et décède, la transmission universelle de son
patrimoine à son héritier qui rend ce dernier titulaire des parts transmises devrait
emporter la transmission du pacte lui-même à l'héritier, sauf clause contraire ou reconnaissance
d'un caractère intuitu personae ; du moins est-ce la solution qui paraît la plus
logique, en l'absence actuelle de jurisprudence sur ce point23
.
Si le signataire est une personne morale et que celle-ci fait l'objet d'une restructuration
impliquant une transmission universelle de patrimoine (fusion, scission ou apport partiel
d'actif), il conviendrait également d'admettre que le pacte est, comme tous les autres
contrats, transmis, sauf à ce que celui-ci ait été conclu intuitu personae ou comporte
une clause contraire.
S'il s'agit d'un transfert à titre particulier (vente, donation), la même solution que pour
les comptes-courant d'associé doit s'appliquer dès lors que la Cour de cassation admet
que le pacte n'est pas l'accessoire des parts ou actions cédées24
. Ainsi, le pacte n'est
(19) Sur cette hypothèse, v. G. MARAIN,« L'opposabilité des pactes d'actionnaires », Rev. sociétés2017, p. 542 et s.,
spéc. nº 23 et s.
(20) Cass. soc., 18 mars 2009, nº 07-45212, Bull. Joly soc. 2009, p. 786 et s., note A. Constantin, RTD com. 2009,
p. 576 et s., obs. P. Le Cannu et B. Dondero ; JCP S 2010, 1007, note R. Chriss et V. Manigod.
(21) V. supra nº 90.
(22) Rappr. S. SCHILLER et D. MARTIN, Guide des pactes d'actionnaires et d'associés, préf. M. Germain, LexisNexis, 2019,
nº 61, p. 39.
(23) J. HEINICH, « Le sort du pacte extrastatutaire d'associé lors d'un événement affectant l'un de ses signataires », Rev.
sociétés 2014, p. 479. Devraient cependant être écartées les clauses directement liées à la personne du défunt
(par exemple sa qualité de dirigeant).
(24) Cass. com., 24 mai 2011, nº 10-24869, Bull. civ. IV, nº 80, Rev. sociétés2011, p. 482 et s., note A. Gaudemet ;
D. 2011, p. 2315 et s., note G. Helleringer ; Dr. sociétés 2011, comm. 168, note R. Mortier ; Bull. Joly soc. 2011,
95
http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=10-24869 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=10-24869
Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re

Table des matières de la publication Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re
