Systèmes - Connaître la dette publique - 31

Entre dette morale et dette publique : les pensions de la monarchie au XVIIIe siècle
sa libéralité, perçue généralement comme une vertu princière. Les
gratifications ordinaires étaient d'ailleurs généralement assimilées
aux pensions, même si l'absence de brevet pouvait rendre leur statut
plus précaire que celui d'une pension en bonne et due forme. Dans
l'administration royale ou à la cour, on parlait également d' « appointements
conservés » pour désigner des pensions de retraite. Tous
ces versements, dans les textes, pouvaient être regroupés sous
une seule et même expression de « grâces pécuniaires » ou encore
de « grâces viagères ». Le droit à la pension n'existait pas5
.L'obtention
d'une telle grâce viagère relevait d'une démarche de sollicitation
dont l'issue était toujours incertaine. Mettre en avant ses services
effectifs ne suffisait pas. Il convenait de souligner que des précédents
permettaient de présenter comme un usage le fait d'obtenir
une pension de tel montant pour telle fonction après tant d'années
de services. De plus, l'appui d'un intercesseur, capable de donner au
roi des garanties sur la valeur de la supplique, renforçait évidemment
la demande et les chances d'obtenir le « bon » du roi. Ce dernier
distribuait généralement les pensions dans le cadre du travail
qu'il avait avec chacun de ses ministres. Le roi veillait à respecter
les usages mais ne s'interdisait pas, occasionnellement, de créer
des précédents. Ce circuit administratif, devenu routinier, n'empêcha
jamais le roi d'accorder spontanément des pensions, selon son
bon plaisir, afin de manifester sa libéralité6
.
B. Distinguer les fonctions : retraite, fidélité, conversion
Les pensions royales avaient différentes fonctions. Toutes
n'étaient pas des pensions de retraite. Ces dernières étaient nombreuses
et d'ailleurs cumulables. À la cour, la mort d'un membre
de la famille royale entraînait la dissolution de sa maison et l'attribution
de pensions de retraites à tous les officiers qui y servaient, en
récompense de leurs services, et quelle que fût leur durée. Ces pensionnaires
de la cour restaient rarement désœuvrés et reprenaient
rapidement du service dans une nouvelle maison où ils touchaient
des gages en plus de leur pension de retraite. À celle-ci s'ajoutaient
les pensions de pure grâce, ou pensions de faveur. Elles ne constituaient
pas nécessairement la récompense de services effectifs.
5. V. Azimi, « Les pensions de retraite sous l'Ancien Régime », Mémoires de la société pour
l'Histoire du Droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et normands,
43e
fasc., 1986, p. 77-103.
6. Bons du roi pour des pensions (1742-1792), Archives nationales [désormais AN], O1
289 ; dossiers individuels de pensionnaires (XVIIIe
siècle), AN, F4
31
1946-1965.
288

Systèmes - Connaître la dette publique

Table des matières de la publication Systèmes - Connaître la dette publique