Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 133

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L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

du Septennat en novembre 1873 confirme ce sentiment102. Pourtant proche du
Centre droit, Antonin Lefèvre-Pontalis explique à ses collègues au sein de la commission chargée de discuter la proposition que « [s]i pendant 10 ans [qui
deviennent 7] vous donnez un pouvoir respecté et fort à M. le Président de la
République, vous n'aurez peut-être pas proclamé la République, mais vous l'aurez
fait vivre et vous lui aurez donné toutes les chances de durée »103. La République
est en effet viable, sa formalisation juridique plus complète n'est plus qu'une question de temps, avec ou sans proclamation. C'est tout le sens de l'intervention
pleine d'ironie de Dufaure le 23 juillet 1874 pour inviter les monarchistes modérés
à voter pour la proposition Casimir Perier visant à organiser les travaux futurs de
la commission des Trente, ce que ces derniers refusent car le dispositif consacrerait indirectement la forme républicaine du gouvernement. L'éminent membre du
Centre gauche leur explique qu'avec la loi du 20 novembre 1873, ils ont « premièrement, élu un chef du pouvoir exécutif ; deuxièmement, élu un chef temporaire,
puisque vous donnez la durée de sept ans à son pouvoir. Or, assurément, s'il y a
quelque chose de compatible avec le gouvernement de la République, c'est un chef
électif et temporaire. Ce double caractère constitue le magistrat républicain. (Très
bien ! à gauche.) Aussi l'avez-vous nommé Président de la République. (Rumeurs
à droite.) Voilà ce que vous avez fait »104.
136. Après plusieurs tentatives infructueuses et des tergiversations diverses,
une partie allant croissante des monarchistes finit par se résoudre à voir adopter par l'Assemblée quelques dispositions formellement constitutionnelles. Le
21 -janvier 1875, l'Assemblée débute enfin l'examen d'une proposition de loi relative à l'organisation des pouvoirs publics préparée par la commission des Trente.
Dès le lendemain, les députés décident de passer à une seconde délibération. Trois
jours plus tard, le 25 janvier, les députés commencent à examiner les propositions
de loi sur la création et les attributions du Sénat. Si l'adoption définitive de ces
deux textes prend près d'un mois plein de rebondissements à l'Assemblée, le processus est irrémédiablement enclenché. La nécessité de se doter d'une organisation institutionnelle qui apparaisse comme stable, à défaut d'être définitive,
emporte les dernières réticences de la droite modérée. Cette organisation se manifeste par la mise en place des lois constitutionnelles de la IIIe République. Ainsi, le
22 janvier, le vicomte de Meaux explique en séance à destination des légitimistes
intransigeants regretter que la monarchie ne puisse se faire mais défendre tout de
102. Le Temps du 21 novembre résume bien les conséquences de cette étrange loi. Le quotidien
constate que la droite « a sans doute réussi à séparer les pouvoirs de M. le maréchal de Mac Mahon
des lois qui doivent les définir, mais c'est une séparation illusoire autant qu'arbitraire. En réalité, tout
demeure incertain et suspendu, jusqu'aux lois constitutionnelles ». Pour le journal, la majorité « est
loin d'être homogène », et il est possible de séparer les députés « qui ne voient dans la prorogation que
la pierre d'attente de la monarchie » de ceux qui « se résignent, à regret sans doute mais avec bonne
foi, et sont persuadé qu'ils ont institué hier un président de la république pour sept ans. Ces divergences
se feront sentir dans la discussion des lois constitutionnelles et pourront déterminer un nouveau
groupement des partis ».
103. Rémusat, membre du Centre gauche qui préside la commission, répond vouloir plutôt « un
gouvernement défini et pas un Président défini ». Le monarchiste Jouvenel rétorque que les
monarchistes font déjà d'énormes concessions en se demandant si les républicains « consentiraient à
faire la monarchie pour 10 ans ? ». Un député républicain, Le Royer, affirme alors que les monarchistes
« ne font pas une grande concession en ne faisant pas la monarchie, car ils ont essayé de la faire et ils
n'y ont pas réussi » et qu'ils n'ont « qu'un mot à dire et la République conservatrice sera faite non
seulement dans les mots, mais dans les choses » (séance du 10 novembre 1873, C 3136).
104. JO du 24 juillet 1874, p. 5184.

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