Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 149

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L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

sont alors défendues, l'une appelant à organiser de nouvelles institutions (principalement une seconde chambre), l'autre visant à (ré)organiser ce qui existe déjà en
droit ou en fait, c'est-à-dire compléter la loi Rivet et surtout éloigner le président
de la République de l'Assemblée. Le député du Centre gauche Barthe, partisan de
la première, demande ainsi d'« asseoir [le gouvernement] d'une façon plus solide,
et pour cela, il est indispensable de faire quelques articles de Constitution »65.
Thiers, entendu par la commission quelques jours plus tard, se fait plus précis.
Selon lui, il convient d'entendre les mots « pouvoirs publics » de manière large,
pas seulement les « pouvoirs actuellement existants » : « la chose importante c'est
de créer deux assemblées »66 affirme le président de la République. Au contraire,
le député du Centre droit Fournier explique que la loi Rivet « est le contrat entre
M. le Président de la République et l'Assemblée ; mais ce contrat a mal défini les
attributions des pouvoirs publics, et réglé imparfaitement les conditions de la responsabilité ministérielle. Sur ce point-là, nous devons la modifier, mais il doit être
bien entendu que nous n'allons pas au-delà du transitoire actuellement existant »67. Le légitimiste Ernoul insiste : « les mots " réformes constitutionnelles " ont
été précisément effacés (ce n'est un mystère pour personne), de la formule qui a
été soumise par le Gouvernement, au vote de l'Assemblée. Nous ne pouvons donc
pas nous ériger spontanément en Commission de Constitution, tant que nous ne
sommes saisis d'aucune proposition Constitutionnelle, et nous n'avons à nous
occuper, dès aujourd'hui, que des attributions des Pouvoirs publics actuellement
existants, de leur relation et des conditions de la responsabilité ministérielle »68.
Même l'ultra légitimiste de La Bassetière, s'il ne peut suivre Barthe « dans le terrain si large ou il s'est placé », accepte de travailler à l'amélioration du régime « à
la condition de séparer les questions du présent de celles de l'avenir »69. Les
monarchistes, quelle que soit leur nuance, semblent donc déterminés en commission à ne rien organiser qui n'existe déjà. Il convient seulement pour eux de préciser les attributions et les rapports des pouvoirs publics déjà en fonction.
156. Pourtant, le rapport lu à l'Assemblée le 21 février 1873 par de Broglie70 se
fait bien moins catégorique : l'adoption de l'amendement Dufaure le 29 novembre
« nous a convaincu que vous nous aviez permis, presque prescrit, les moyens de
pourvoir non-seulement à l'amélioration des pouvoirs publics existants, mais à la
création d'institutions nouvelles, si elles étaient jugées nécessaires »71 explique le
65. Séance du 9 décembre 1873 (C II 607). Barthe dépose du reste une proposition d'organisation
provisoire - assez originale - le 13 décembre, signée par 106 députés (Annexe IV. 14.). Le membre de
la gauche républicaine Arago est également partisan d'une interprétation large du mandat, expliquant
que la commission a pour but de « mettre en pratique la résolution votée par l'Assemblée. Le texte
même de cette résolution implique que nous devons nous occuper d'un ensemble de mesures, et non
pas seulement d'une mesure isolée » (séance du 9 décembre 1872, C II 607). Au cours de la même
séance, le député insiste : « Nous avons donc sinon une Constitution à faire, du moins un ensemble de
mesures à envisager et à préparer » (ibid.).
66. Séance du 16 décembre 1872 (ibid.). Thiers se montre pressant : « L'institution d'une seconde
Chambre ne peut déplaire qu'à ceux qui ne veulent pas laisser vivre la République. Or il faut prendre
le parti de la renverser ou de lui donner les organes nécessaires à la vie » (ibid.).
67. Séance du 9 décembre 1872 (ibid.).
68. Ibid.
69. Séance du 18 décembre 1872 (ibid.). Il ajoute que « si dans les relations réglées par la
Constitution Rivet on reconnait quelque chose de défectueux ou d'incomplet, on peut, on doit même
y pouvoir » (ibid.).
70. JO du 22 février 1873, p. 1285 à 1289.
71. Ibid. p. 1285

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