Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 157

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L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

un véto suspensif même dans certains cas : on ne voit pas ce qu'on pourrait y ajouter, et il ne parait pas nécessaire de remettre en discussion ce qui existe et n'est
contesté par personne »119. La seule chose qui pourrait éventuellement « compléter
utilement » la loi sur le Sénat serait une disposition sur la vacance de l'exécutif120,
conclut le vice-président du Conseil. De Broglie ne dit en revanche rien de la nature
juridique des normes dont il envisage la mise en place. S'il apparaît nettement qu'il
ne peut s'agir d'une « simple » utilisation du pouvoir instituant, les dispositifs
étant supposés pérennes au moins jusqu'à l'échéance du mandat de Mac Mahon,
il n'est pas clairement indiqué qu'ils soient constitutionnels pour autant. Du reste,
le député Paris, également membre du Centre droit mais qui deviendra l'un des
« principaux artisans des lois constitutionnelles »121, répond au duc qu'il « ne faut
rien laisser d'incomplet : l'organisation du pouvoir exécutif n'ayant été votée que
par de simples lois », il conviendrait de consacrer « à ces attributions un chapitre
de la loi constitutionnelle »122. Si Paris ne semble pas remettre ici en cause le caractère constitutionnel de la durée du mandat présidentiel, il lui semble en revanche
essentiel de constitutionnaliser les prérogatives du Président, quand bien même
elles ne seraient pas modifiées par rapport à la loi du 13 mars 1873. Telle est également la position de Dufaure qui considère nécessaire de rendre les lois sur le pouvoir exécutif « constitutionnelles », donc au moins rédiger « quelques articles » sur
les attributions et la transmission du pouvoir123.
165.  Cette solution s'impose finalement à l'Assemblée à compter de janvier
1875, à la fois grâce au « ralliement » de certains orléanistes libéraux (comme de
Lavergne, Paris, Decazes ou Albert de Broglie) au vote de lois constitutionnelles
sous une dénomination républicaine et grâce à la « modération » -  ou l'opportunisme  - des républicains les plus à gauche qui permet l'adoption d'une constitution dont ils réprouvent pourtant le contenu. Il faut attendre janvier 1875 pour que
le rapprochement se concrétise, les monarchistes de la commission des Trente
ayant auparavant élaboré un projet plus ambigu. Le 15 juillet 1874, le légitimiste
de Ventavon dévoile ainsi aux députés « les cinq premiers articles d'une loi constitutionnelle »124. Le rapporteur de la commission indique que les Trente souhaitent
que ces articles soient « immédiatement » discutés tout en précisant que les « autres
119. Ibid.
120. Ibid.
121. La formule est empruntée à la thèse de Jean-Marc Guislin (L'affirmation du parlementarisme
au début de la Troisième République : l'exemple du Pas-de-Calais (1871-1875), op.  cit., p.  243), qui
consacre un chapitre entier aux idées et à l'action d'Auguste Paris durant son mandat à l'Assemblée
de 1871 (ibid. p. 243-258). Avant tout libéral conservateur, Paris fera partie des députés du Centre droit
participant le plus activement à la rédaction des trois lois constitutionnelles et militant pour leur
adoption.
122. 44e séance, 28 mars 1874 (C II 612-614). De Broglie réplique que « plus on agira simplement,
mieux cela vaudra » (ibid.).
123. Ibid.
124. Rapport disponible au JO  du 3  août  1874, Annexe n° 2549, p.  5503-5505, p.  5503. La
commission avait repoussé la proposition Casimir Perier dont elle était alors saisie, qui visait à
organiser les bases de l'écriture des lois constitutionnelles. Le rapport explique en effet que la
proposition ne ferait que permettre « la proclamation de la République définitive » et que « la
commission a remarqué dans l'indication des points qui devaient servir de base aux lois
constitutionnelles une forme inusitée : le pouvoir législatif ne détermine pas d'avance les conditions
dans lesquelles il fera la loi, il fait la loi même ». La commission reproche surtout à la proposition
Casimir Perier, en reprenant l'article 1er du projet Dufaure du 19 mai 1873 (« Le Gouvernement de la
République française se compose d'un Sénat, d'une Chambre des représentant et d'un Président de la
République, chef du pouvoir exécutif »), de ne pas prendre en compte la prorogation des pouvoirs de

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