Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 174

Le consensus minimal : un régime nécessairement parlementaire

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adoptant de tels dispositifs, les constituants fondent une république10, il constate,
évoquant cette fois spécifiquement la seconde chambre, que plus il « examine
cette question, plus [...] les intérêts de tous les conservateurs, amis en même temps
des garanties constitutionnelles, à quelque parti qu'ils se rattachent, [...] se
confondent et sont identiques »11. Le député conclut son intervention en expliquant que, de manière générale, lorsqu'« on interroge l'histoire de nos débats
politiques depuis quatre-vingts ans, on est frappé des luttes que des hommes faits
pour s'entendre, animés des mêmes sentiments, ayant au fond les mêmes vues, ont
engagé les uns contre les autres »12.
193. Finalement, les trois lois constitutionnelles de 1875 qui réalisent le
« consensus national minimum »13 sont le produit d'un accord transpartisan sur
le besoin de stabiliser le « droit public des français » dont les origines remontent
à 1789, en mettant en place le régime le plus à même d'assurer la gouvernabilité
tout en étant en accord avec la volonté du souverain (peuple ou nation) ou, en
d'autres termes, qui permette une représentation efficace. Cette stabilisation ne se
concrétise alors pas par la rédaction d'une constitution systématique, c'est-à-dire
par le constitutionnalisme, mais plutôt par la place centrale dévolue au Parlement, en tant qu'organe représentatif, à qui les lois de 1875 confient le « droit
public des français » (Titre I). La construction d'un régime fonctionnel implique
par ailleurs de résoudre le problème déterminant de la place du pouvoir exécutif
dans l'organisation institutionnelle française. Ce dernier doit être en même temps
relativement indépendant pour exercer efficacement ses prérogatives -  et empêcher la dictature des assemblées  - mais aussi suffisamment contrôlé pour éviter le
retour du gouvernement personnel et autoritaire d'un césar et rendre impossible
celui d'un monarque sorti des limbes de l'Ancien régime. L'idée d'un régime à
séparation stricte des pouvoirs, à l'image de celui des États-Unis, n'ayant que très
peu d'avocats parmi les constituants14, leur seule possibilité revient donc à mettre
en place un régime parlementaire. Quoique le modèle archétypique anglais, dont
10. « Je sais bien qu'on dit que ce n'est pas logique et qu'il faut établir les institutions en vue d'un
gouvernement définitif ; je crois que cette maxime n'est pas absolument vraie. Les institutions sont
moins faites en vue d'un gouvernement qu'en vue de l'état social auquel elles doivent s'appliquer »
(ibid. p. 569-570). En s'appuyant sur les déclarations antérieures de Broglie et Dufaure qui considèrent
que les projets constitutionnels doivent surtout favoriser « l'intérêt du pays », Lacombe explique que
le rejet des lois constitutionnelles peut seulement amener « la démagogie et le despotisme » et ne
rapprochera ni de la République ni de la monarchie. Comme « [i]l n'y a pas de parti, il n'y a pas de
groupe surtout qui puisse, dans le pays si divisé par nos révolutions, avoir la prétention de se suffire à
lui-même et de prévaloir seul », l'orateur en appelle aux « républicains conservateurs ». « Nous ne
pouvons pas nous passer les uns des autres ; nous avons seulement le choix des alliances, et par là
même le choix de concessions » (ibid. p. 570).
11. Ibid. p. 571.
12. Ibid. p 572.
13. Pour reprendre l'expression du Doyen Vedel (« Le hasard et la nécessité », op. cit., p. 17).
14. Laboulaye est l'un des plus favorable à une organisation institutionnelle semblable à celle des
États-Unis. Ses ouvrages scientifiques sur le sujet en font un très bon connaisseur (voir Histoire
politique des États-Unis depuis les premiers essais de colonisation jusqu'à l'adoption de la constitution
fédérale, 1620-1789, 3 tomes, Paris, Durand et Guillaumin [tome premier], Charpentier [tomes
deuxième et troisième], 1855-1866 ; Correspondance de Benjamin Franklin traduite de l'anglais et
annotée, 2 tomes (1757-1775 et 1775-1790), Paris, Hachette et Cie, 1866) et il utilise souvent la référence
américaine dans les débats. Le publiciste de Centre gauche, sachant son idéal difficilement applicable
en France (Francis Charme explique par exemple dans le Journal des débats du 6 février 1873 que les
« traditions parlementaires » françaises rendent impossibles un exécutif séparé des chambres comme
aux États-Unis) et insusceptible de réunir une majorité à l'Assemblée, préfère pragmatiquement se
concentrer sur les moyens à même de permettre l'organisation d'un régime parlementaire républicain.

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