Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 205

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L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

« création d'un Sénat était, en quelque sorte, hors de cause : c'est l'organisation
d'un Sénat qu'il importait d'examiner »49, cette question étant « de tous les problèmes constitutionnels, le plus difficile à résoudre »50.
II. LE CŒUR DES NÉGOCIATIONS :
L'ORGANISATION DU SÉNAT
228. Les différents projets et propositions précités envisagent donc des
secondes chambres composées de manières très diverses, quoique le nombre de
ses membres soit souvent proche de 30051, chiffre finalement retenu par la loi du
24 février 1875, que son renouvellement s'effectue généralement par fractions52
et que le mandat des sénateurs soit presque systématiquement long53 (pour les
non inamovibles), le texte définitif prévoyant un mandat de neuf ans et un
renouvellement par tiers. L'analyse des débats montre que trois principaux
points sont âprement discutés par les constituants relativement à la composition
de la chambre haute, le tout étant en lien avec la fonction de pondération du
suffrage universel que les libéraux conservateurs entendent attribuer au Sénat :
d'une part la présence de membres nommés (A) ; d'autre part la définition des
électeurs, liée au mode de scrutin retenu (B) ; enfin les conditions relatives aux
éligibles (C). Les vives controverses sur ces trois éléments ont alors contribué à
faire passer au second plan les questions sur les attributions du Sénat. Il semble
en effet qu'aux yeux des constituants, le rôle et le poids politique de la seconde
chambre, en particulier face à la chambre basse et comme soutien à l'exécutif,
dépend bien plus de la manière dont elle se compose que des pouvoirs que la loi
fondamentale pourrait lui conférer. En d'autres termes, les fonctions du Sénat
sont davantage déterminées par l'origine de ses membres et donc par « l'esprit »
qui pourrait l'animer que par des dispositifs juridiques précis relatifs aux dites
fonctions. Comme les députés entendent instituer une chambre haute qui ne soit
pas qu'un élément de décor du paysage institutionnel54, l'enjeu central reste la
49. JO du 21 décembre 1874, Annexe n° 2680, p. 8489.
50. Ibid. p. 8491.
51. 306 dans la proposition Cézanne (Art.  2) ; 265 dans le projet Thiers/Dufaure (Art.  2) ; le
28 mars 1874 devant les Trente, de Broglie indique 250 à 300, son projet ne retenant en revanche pas
de chiffre précis (44e séance, C II 612-614) ; environ 370 pour Pradié (le seul qui envisage un nombre
égal de députés et de sénateurs) ; 300 maximum dans le premier projet des Trente (Art. 1er) qui suit les
préconisations de la sous-commission (67e séance, 21  juillet  1874, C  II 612-614) ; 260 dans la
proposition Clapier (Art. 1er) ; 300 dans le deuxième projet des Trente (Art. 1er). Les propositions de
Chambrun (Art. 12) et de Douhet (Art. 2) envisagent en revanche un nombre illimité ; la proposition
de constitution Eymard-Duvernay en retient 150.
52. Par moitié dans la proposition Eymard-Duvernay et dans celle de Cézanne (Art.4) ce qui est
aussi demandé par Ventavon et Chesnelong devant la commission (74e séance, 31 juillet 1874, C II 612614) ; par tiers dans les deux projets des Trente (Art.10 et art. 5), ce qui avait été retenu par la souscommission, et dans les propositions Vautrain et Waddington ; par cinquièmes dans le projet Thiers/
Dufaure (Art.3) et la proposition Clapier (Art.3). Le projet de Broglie ne l'envisage en revanche pas.
53. 5 ans pour Clapier (Art. 3) ; 6 ans pour Cézanne (Art. 4) ; 7 ans pour de Broglie (Art. 15) et
de Douhet (Art. 2) ; 8 ans pour Chesnelong (74e séance, 31 juillet 1874, C II 612-614) ; 9 ans dans les
deux projets des Trente (Art.  10 et art.  5, ce qui avait été demandé par la sous-commission) et les
propositions Waddington et Vautrain ; 10 ans dans le projet Thiers/Dufaure et pour Ventavon (74e
séance, 31 juillet 1874, C II 612-614). Il convient de noter que les conservateurs envisagent une large
part de sénateurs inamovibles, parfois la totalité d'entre eux (proposition Chambrun).
54. Dans ce sens, Julien Sausse a pu démontrer que « les attributions du Sénat n'ont pas été
bouleversées par le choix de la nature républicaine du régime » (Écrire la constitution républicaine au
xixe siècle, op. cit., p. 176).

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