Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 206

La représentation des citoyens

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manière de la composer pour atteindre ce but. Le problème de ses attributions
est dès lors rapidement évacué (D).
A. LA PRÉSENCE DE MEMBRES NOMMÉS
229. Les conservateurs et les libéraux insistent beaucoup sur le soutien que
la seconde chambre doit apporter au pouvoir exécutif, perçue comme un « pouvoir modérateur » placé entre la chambre issue du suffrage universel et le -président
de la République. Partant, de nombreux députés militent dans leurs interventions
comme dans leurs propositions pour que le pouvoir exécutif participe, au moins
en partie, à la désignation des sénateurs. Ainsi, en mars 1874, de Broglie, alors
vice-président du Conseil, explique devant la commission des Trente qu'en tant
qu'intermédiaire entre l'exécutif et la chambre basse, il convient que la chambre
haute « tienne de la nature de l'une et de l'autre. C'est la condition que remplit la
chambre des pairs d'Angleterre, héréditaire comme le pouvoir exécutif »55.
À défaut d'un monarque secondé d'une pairie, le duc envisage donc un président
de la République fortifié par la nomination de certains membres du pouvoir législatif. Chez les légitimistes une position analogue est défendue par de Meaux, cette
fois lors des débats sur le projet à proprement parler en juillet 1874 : comme le
Sénat sert d' « intermédiaire entre le Président et les députés », il doit avoir un
« caractère mixte »56. « L'essence de l'arbitrage, c'est que les deux parties interviennent dans le choix de l'arbitre » ajoute le commissaire57. Lors de cette séance,
les Trente en adoptent du reste le principe.
230. Concernant le nombre de membres nommés, la plupart des députés qui
sont favorables au principe entendent qu'un tiers à la moitié des sénateurs le
soient58 mais certains vont plus loin comme le député du Centre droit Tallon qui
réclame à plusieurs reprises devant la commission une nomination purement exécutive59. Le légitimiste Chesnelong envisage pour sa part que le Président puisse
nommer un nombre « assez considérable » de sénateurs de façon progressive60.
Son idée, qui semble fortement inspirée par les fournées de pairs de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, est que le Président dispose d'une marge de
manoeuvre pour « faire une majorité » lorsque cela lui semblerait nécessaire61.
55. 44e séance, 28 mars 1874 (C II 612-614). Il avait préalablement rappelé que la deuxième
chambre « est nécessaire » pour garantir que la séparation « essentielle » entre exécutif et législatif ne
dégénère en « duel sans autre issue possible qu'une révolution ou un coup d'état », en s'appuyant sur
l'exemple de la Législative de 1792 et de l'Assemblée de 1851.
56. 68e séance, 22 juillet 1874 (ibid.).
57. Ibid. Certains légitimistes rejetteront finalement le Sénat pour cette raison. Le 22 février
1875, le député Depeyre prend en effet la parole pour expliquer que lui et ses amis ne voteront pas le
contre-projet Wallon (dont la loi constitutionnelle du 24 février est largement issue) car il supprime le
droit de nomination du Président : « nous ne pouvons pas admettre que le pouvoir exécutif n'ait
aucune part dans le choix des arbitres » indique-t-il (JO du 23 février 1875, p. 1182).
58. La commission retient le nombre de 150 inamovibles, dont quelques sénateurs de droit (qui
n'auront pas l'occasion d'être soumis à l'Assemblée et qui disparaîtront sans explication du second
projet des Trente) et la plupart nommés par le Président de la République (73e séance, 30 juillet 1874,
C II 612-614).
59. 60e séance, 3 juillet 1874 et 72e séance, 29 juillet 1874 (ibid.).
60. 73e séance, 30 juillet 1874 (ibid.).
61. Ibid. Sur la pratique des fournées de pairs entre 1814 et 1848, voir l'analyse du Professeur
Laquièze qui estime qu'elles constituaient des armes plus à même d'assurer une majorité favorable au
pouvoir exécutif que la dissolution (Les origines du régime parlementaire en France (1814-1848),
op. cit., p. 386-389).

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