Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 216

La représentation des citoyens

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l'administration »129. Sachant que « l'administration » est à l'époque dirigée par
le réactionnaire gouvernement de l'Ordre moral, la statistique, du reste reprise par
le nouveau rapport de Lefèvre-Pontalis130, peut avoir rassuré certains conservateurs. Pour autant, ces derniers ne se résignent pas à sacrifier l'idée d'une influence
censitaire (à défaut des catégories) sur l'élection des sénateurs. Les Trente
repoussent d'extrême justesse (12 voix contre 11) l'adjonction des plus imposés du
département au corps électoral composé des conseillers généraux et d'arrondissement, proposée par le député légitimiste de Rességuier131. Ils adoptent surtout
l'adjonction des plus imposés au Conseil municipal pour le choix du délégué (15
voix contre 6) envisagée par un amendement d'Andelarre (Centre droit)132 et dont
le rapport de la commission justifie l'acceptation par la nécessité de donner « une
satisfaction légitime aux intérêts de la propriété, du commerce et de l'industrie »133. Plus généralement, ce second rapport se fait cette fois l'avocat de la représentation des communes qui peut « donner au Sénat la force et l'autorité »134.
244. Lors des débats en séance plénière sur cette question le 23 février 1875,
le contre-projet Wallon qui sert de base aux échanges propose un corps électoral
sénatorial qui regroupe les députés, les conseillers généraux et d'arrondissement
et les délégués des conseils municipaux (qui doivent être électeurs de la commune
concernée)135. Est en revanche écartée la présence des plus imposés pour l'élection
du délégué communal. Outre des échanges et amendements sans grand intérêt sur
le lieu de réunion du corps électoral sénatorial (et qui ne relèvent guère d'une loi
constitutionnelle)136, certains députés s'inquiètent de l'influence gouvernementale
sur l'élection des sénateurs. D'autres regrettent le manque de garanties conservatrices du contre-projet. Pour la première raison, le bonapartiste Raoul Duval propose d'empêcher que les maires et les adjoints nommés par le Gouvernement
puissent être désignés comme délégués de leur commune137 et que les délégués des
129. Ibid.
130. JO du 1er mars 1875, Annexe n° 2899, p. 1547. Les chiffres fournis dans le rapport sont
encore plus précis : 29 469 maires ont été maintenus par l'exécutif sur les 35 989 communes que
compte alors la France (ibid.), soit 81,88% d'entre eux.
131. 93e séance, 17 février (C II 612-614).
132. Ibid.
133. JO du 1er mars 1875, Annexe n° 2899, p. 1148.
134. Ibid. p. 1147. L'origine des deux chambres « sans cesser d'être populaire, sera ainsi
complétement différente ». La commission justifie aussi le poids égal des communes : en cas de
« représentation proportionnelle », elle aurait « reconnu, sous une autre forme, la loi du nombre ».
Pour éviter les « parachutages » et l'instrumentalisation politique des délégations, les Trente exigent
que les délégués soient électeurs ou contribuables de la commune (ibid. p. 1148). Au total, un tableau
annexé au rapport comptabilise 43 567 électeurs sénatoriaux (736 députés, 3081 conseillers généraux,
3529 conseillers d'arrondissements et 35 217 délégués des conseils municipaux) (ibid. p. 1549-1550).
135. Art. 4 : « Les sénateurs des départements et des colonies sont élus à la majorité absolue, et,
quand il y a lieu au scrutin de liste, par un collège réuni au chef-lieu du département ou de la colonie
composé : 1° Des députés ; 2° Des conseillers généraux ; 3° Des conseillers d'arrondissement ; 4° Des
délégués élus, un par conseil municipal, parmi les électeurs de la commune » (JO du 24 février 1875,
p. 1405).
136. Plusieurs remettant en cause sa réunion au chef-lieu de département comme un amendement
Raoul Duval qui propose que la réunion des électeurs ait lieu au chef-lieu de canton non pris en
considération (JO du 24 février 1875, p. 1405) ou un amendement de Clercq, soutenu par la
commission, qui demande le vote par arrondissement et rejeté au scrutin (308 contre 384) (ibid. p. 1408).
137. Il demande que le 4° de l'article 4 du contre-projet Wallon soit suivit de l'expression « autres
que les maires et adjoints nommés par le Gouvernement » (ibid. p. 1405). La loi organique sur
l'élection des sénateurs se limite à priver les maires nommés du droit d'élire le délégué municipal. Rien
n'empêche en revanche leur désignation.

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