Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 221

204

L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

attributions du Sénat et sont du reste aussi peu loquaces l'un que l'autre à ce sujet
dans leurs exposés des motifs respectifs166. Ainsi, les deux textes prévoient un partage égal du pouvoir législatif, avec une réserve procédurale concernant les lois de
finances qui doivent d'abord être soumises à la chambre basse167. De même, les
projets prévoient de conférer au Sénat le contrôle du pouvoir exécutif à égalité
avec la Chambre des députés et surtout une compétence judiciaire spéciale,
quoique la rédaction de Broglie se veuille plus précise sur ce point tout en étant en
fait plus confuse, son article mêlant responsabilité politique et pénale168. Enfin, ils
envisagent tous deux un avis conforme de la chambre haute pour l'exercice du
droit de dissolution. La seule différence notable entre les deux projets relativement aux compétences du Sénat concerne alors l'approbation des traités : quand
Thiers et Dufaure la confient aux deux chambres169, de Broglie la donne à la seule
chambre haute170 sans cependant s'expliquer dans l'exposé des motifs171.
252.  Par la suite, la commission des Trente ne consacre que très peu de
temps à débattre des pouvoirs du Sénat, se focalisant principalement sur la composition de la chambre172. Le rapport lu par Lefèvre-Pontalis au nom de la souscommission chargée de préparer un projet préparatoire, propose, concernant les
attributions du Sénat, la reprise des « attributions législatives et judiciaires
déterminées par la Charte de 1830 »173. Le point de vue est confirmé par la suite
dans le rapport du premier projet des Trente déposé le 3 août 1874 devant l'Assemblée, dont seulement quelques dizaines de lignes d'une colonne de l'Officiel
traitent des attributions du Sénat (alors que les considérations historiques et
celles sur sa composition mobilisent des pages entières) : ces dernières « ne
166. Celui du projet Thiers/Dufaure explique seulement que le Sénat doit avoir « les mêmes
attributions législatives que la Chambre des représentants, mais sans doute vous trouverez utile d'y
ajouter quelques attributions judiciaires. Il semble que nul tribunal ne serait plus propre que le Sénat
à juger les procès intentés contre les principaux dépositaires de la puissance publique » (JO du 20 mai
1873, Annexe n° 1779, p.  3207). Celui du projet de Broglie est à peine plus long et sans intérêt
supplémentaire (JO du 31 mai 1874, Annexe n° 2369, p. 3639).
167. Art.  11 du projet Thiers/Dufaure (Annexe V.  7.), Art.  18 du projet de Broglie (Annexe
VI. 3.).
168. La responsabilité politique de l'exécutif (Président et ministres) est prévue à l'article 14 du
projet Thiers/Dufaure. Sa responsabilité pénale à l'article 11 (« Le Sénat peut être constitué en cour de
justice pour juger des poursuites en responsabilité contre le Président et les ministres, et les généraux
en chef des armées de terre et de mer ») (Annexe V.  7.). L'article  20 du projet de Broglie règle ces
questions (« Le grand conseil peut être constitué en cour de justice pour juger soit le Président de la
République, soit le ministère. Les ministres sont responsables individuellement de leurs actes
personnels, solidairement de la politique générale du Gouvernement. La responsabilité du Président
n'est engagée que dans les cas de haute trahison, tentative d'usurpation et de concussion. Dans ces
divers cas seulement il pourrait être déclaré déchu des droits que lui a conférés la loi du 20 novembre
1873. Cette déclaration devra être faite par les deux Chambres réunies en congrès dans la forme
prescrite par l'article 23 ci-dessous. ») (Annexe VI. 3.).
169. Art. 14 al.2 (Annexe V. 7.).
170. Art. 19 (Annexe VI. 3.).
171. Ni la Charte de 1830, ni la Constitution du Second empire ne contiennent un tel dispositif
qui semble davantage inspiré par les États-Unis. Devant la commission, Lefèvre-Pontalis avait proposé
comme de Broglie de réserver au Sénat l'approbation des traités, mais article avait alors été réservé
(74e  séance, 31  juillet  1874, C II 612-614). La disposition est reproduite le 25  février 1875 par le
commissaire du centre droit Daru mais sa proposition est repoussée (99e séance, ibid.).
172. Sur la vingtaine de séances consacrée au Sénat par les Trente, une seule porte principalement
sur ses attributions (la 74e, le 31 juillet 1874), les autres étant consacrée à sa composition, les douze
séances de la sous-commission préparatoire n'étant pas plus riches sur ce point (ibid.).
173. 67e séance, 21 juillet 1874 (ibid.).

978-2-275-09298-0__DOCFILE__corpus.indd 204

16-Apr-21 11:35:00 AM
Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875

Table des matières de la publication Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875
