Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 222

La représentation des citoyens

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peuvent être moindres que celles de la Chambre des députés, et elles devraient
assurer au Sénat, par le vote de toutes les lois, la plénitude de la puissance législative »174. « Dans la même pensée, le droit d'initiative et le droit d'interpellation
ne peuvent être refusés au Sénat. Les lui contester, ce serait le déshériter de la
participation au Gouvernement qu'il s'agit de lui garantir » poursuit encore le
rapport175. Ce dernier justifie ensuite les fonctions judiciaires du Sénat, l'organe
présentant « des garanties soit d'impartialité, soit de fermeté, pour juger constitutionnellement ou pénalement le président de la République et les ministres »
et permettant plus facilement qu'une haute-cour (qui nécessiterait alors une
« loi nouvelle ») le jugement des attentats contre la sûreté de l'État176. L'argumentaire est alors concrétisé en deux articles177 qui sont adoptés sans débats par
l'Assemblée après le vote de l'amendement Duprat, dans le texte dont l'Assemblée refuse le passage à la troisième lecture178. Ils sont cependant repris à l'identique dans le second projet de la commission du 22 février 1875 et réadoptés
sans davantage de débats le 23 février 1875179.
253. Les discussions devant l'hémicycle à compter de janvier 1875 ne sont
donc pas fournies sur ce point : une fois un accord péniblement trouvé sur le
recrutement des sénateurs, la question du Sénat semble tout entière épuisée. Il
n'existe aucune proposition ou intervention visant à installer un bicaméralisme
inégalitaire en dehors de la question de sa compétence pour l'exercice du droit de
dissolution. Le Sénat est cotitulaire du pouvoir législatif et du droit de contrôler
le gouvernement180. La fonction juridictionnelle spéciale, qui n'est jamais critiquée, est complétée sans difficulté avec la loi du 16 juillet, la seconde commission
des Trente ayant d'abord adopté sans débat la rédaction proposée par Dufaure au
nom du gouvernement181 avant que l'hémicycle ne valide l'article sans davantage
de discussion le 7 juillet182. Comme le vœu majoritaire est d'installer une chambre
haute qui fasse contrepoids institutionnel à celle désignée au suffrage universel
direct, il n'est pas question d'installer un Sénat faible. Les constituants ne mesurent
pas les risques d'effacement de l'institution en raison de son mode de recrutement183 ni surtout à cause de son rôle dans la dissolution. Pour une majorité
d'entre eux, le Parlement dans ses deux composantes est l'organe titulaire la souveraineté. L'évolution de la IIIe République leur donnera tort sur ce point, la
174. JO du 25 décembre 1874, Annexe n° 2680, p. 8585. Un court passage est ensuite consacré à
justifier les droits du Sénat en matière de loi de finance, dont sont privées les chambres hautes anglaises
et américaines. Le rapport considère qu'en tant que « gardien tutélaire » des « intérêts de la propriété »,
il doit pouvoir prévenir « une répartition arbitraire des charges publiques, qui pourrait être le signal
d'une révolution sociale » (ibid.).
175. Ibid.
176. Ibid.
177. Art. 12 et 13 (Annexe VI. 5.).
178. Art. 7 et 8 (Annexe VI. 7.).
179. JO du 24 février 1875, p. 1414. Art. 8 et 9 de la loi du 24 février 1875.
180. La loi du 16 juillet prévoit qu'il siège en même temps que la Chambre des députés (Art. 1er).
181. Art. 12 (Annexe V. 22.).
182. JO du 8 juillet 1875, p. 5081.
183. Jean Casimir Perier qualifie ainsi le mode de recrutement des sénateurs d'« insolite », car il
ne respecte pas la « proportionnalité entre les électeurs du premier et ceux du second degré » et car ces
derniers « ne sont pas nommés au moment où le sénateur est à élire, mais antérieurement aux
circonstances de l'élection et à la production des candidatures » (op. cit., p. 92). « Une telle origine ne
pouvait donner au Sénat l'autorité qu'on prétendait lui attribuer » explique alors l'éphémère Président
de la République élu en 1894 (ibid. p. 93).

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