Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 223

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L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

Chambre des députés concentrant rapidement cette prérogative malgré les révisions constitutionnelles portant sur la composition du Sénat184.

SECTION 2
UN PARLEMENT SOUVERAIN ?
254. Tout au long de la vie de l'Assemblée de 1871, les déclarations des
députés affirmant que cette dernière est seule titulaire réelle de la souveraineté ne
manquent pas. Il ne s'agit pas pour eux de nier que la souveraineté appartienne
théoriquement et en dernier ressort à la nation ou -  plus rarement  - au peuple185
mais d'affirmer la légitimité de l'organe auquel ils appartiennent à représenter
cette souveraineté, à l'incarner positivement et sans concurrence. Assez logiquement, durant la vie de l'Assemblée nationale de 1871, la principale conséquence
d'un tel postulat est la titularité sans réserve du pouvoir constituant.
255.  Dès le 17 février 1871, le rapport déposé par Victor Lefranc sur la proposition visant à nommer Thiers chef du pouvoir exécutif proclame ainsi « l'affirmation, incontestable, du droit souverain de la nation et de l'Assemblée qui la
représente à statuer sur les institutions de la France »186. Lors de la séance du
10 mars, pendant que l'Assemblée débat de son retour à proximité de Paris, Thiers
fini de sceller le « Pacte de Bordeaux » en réaffirmant les pouvoirs de l'Assemblée : « Pourquoi messieurs, aucun membre de cette Assemblée n'a-t-il songé à
vous proposer de vous déclarer constituant ? Pourquoi ? c'est un grand acte de
sagesse que vous avez fait en ne portant même pas votre esprit sur cette pensée-là.
Est-ce que c'est le pouvoir qui vous manque ? non : vous êtes souverains, souverains autant qu'aucun gouvernement l'a jamais été. [...] Vous êtes donc la souveraineté vivante, et le pays, en vous nommant, n'a jamais songé à vous imposer
aucune limite. Il n'est pas entré dans son esprit de vous en imposer aucune »187. La
Commune de Paris conduit l'Assemblée à réaffirmer encore sa souveraineté, tout
d'abord par l'organe de son Président, le républicain Jules Grévy188 puis par le
biais d'une « Proclamation au peuple et l'armée » lue par le député du Centre
184. Jean Casimir Perier estime en outre que la primauté de la Chambre basse tient à l'absence
de tradition bicamérale structurée dans l'histoire constitutionnelle française : « Tandis que la
Chambre, mandataire directe du suffrage universel, s'est imposée à tous les régimes comme l'expression
immuable de la volonté nationale, le Sénat n'a eu qu'une existence intermittente ; il a été tour à tour
une assemblée choisie par le chef de l'État ou émanant d'un corps électoral spécialement inventé pour
lui donner la vie ; tantôt composé de membres inamovibles, tantôt soumis à la réélection. Il ne
représente ni la noblesse ni la tradition comme en Angleterre, ni la propriété comme en Belgique, ni
une unité dans une fédération comme aux États-Unis » (ibid.). De facto, une simple modification de
l'étrange mode de recrutement sénatorial retenu par les constituants de 1875 demeure insuffisante
pour affermir la fonction institutionnelle de l'organe, pourtant garantie par les lois constitutionnelles.
185. Le terme est davantage employé par les républicains radicaux et par les bonapartistes.
186. Le député propose en outre un considérant préliminaire à la proposition : « L'Assemblée
nationale, dépositaire de l'autorité souveraine, [...] » adoptée à la quasi-unanimité (JO du 22 février
1871, p. 110).
187. JO du 13 mars 1871, p. 171.
188. « Un gouvernement factieux se dresse en face de la souveraineté nationale dont vous êtes
seuls les légitimes représentants. [...] La représentation nationale saura se faire respecter... (Oui !
Oui !) et accomplir imperturbablement sa mission en pansant les plaies de la France et en assurant le
maintien de la République malgré ceux qui la compromettent par les crimes qu'ils commettent en son
nom » (séance du 20 mars 1871, JO du 21 mars 1871, p. 194).

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